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Le Roi d’Ys à Toulouse - Sauvé des eaux
Le Roi d’Ys connaît un regain de faveur auprès des scènes lyriques hexagonales. Saint-Etienne l’a vu la saison passée, Jacques Doucelin vous en a fait ici même le récit, Toulouse ouvre la sienne avec une partition à laquelle on reprocha longtemps son wagnérisme. Nicolas Joël, qui fait entrer Mylio avec le casque de Lohengrin, ne dément pas cette influence patente, d’autant qu’Yves Abel fait sonner trop symphonique un Orchestre du Capitole très en verve. La partition est difficile pour la fosse, qui sature vite un théâtre aussi modeste que la scène toulousaine, et cette barrière souvent aiguisée de caisse-claire – la couleur principale du Roi d’Ys est martiale – demande une distribution de première force.
Disons-le d’emblée, le plateau toulousain était au dessus de tout éloge. Inva Mula, Rozenn lyrique – son duo avec Mylio au III, si touchant, montrait une voix plus subtile que jamais – Sophie Koch pour une Margared survoltée où elle semblait préparer de futures Ortrud, Le Mylio très soigné – diction quasi parfaite, aigus di grazia – de Charles Castronuovo, Ferrari, sonore et mordant, le Karnac idéal de sa génération, le Roi de Paul Gay qui ressuscite à égalité avec François Lis la grande basse à la française, aux aigus conquérants mais en timbre toujours sombre, André Heyboer, Juliel impeccable qui ouvrait avec brio le spectacle, le Saint-Corentin impressionnant d’autorité, suprêmement bien chanté d’Eric Martin-Bonnet : une distribution comme Le Roi d’Ys n’en avait pas connue depuis ses heures de gloire de l’après-guerre, lorsque les Micheau, les Couderc, les Vanzo, les Blanc insufflaient leur présence dramatique à un ouvrage qui jusque-là s’était maintenu malgré quelques éclipses, au répertoire.
C’est bien le miracle de ce style retrouvé, mais aussi revisité, qui faisait tout le prix de cette soirée. Fidèle à son équipe, Frigerio qui propose un décor assez romain pour un conte breton– escalier tout en marbre à la double circulation très pratique pour la dramaturgie –, les costumes traditionnels mais bien découpés de Squarciapino, les lumières habiles de Vinicio Cheli – Nicolas Joël s’est laissé porter par elle, toujours efficace jusque dans quelques outrances que les représentations suivantes tempèreront probablement : que Margared soit une constante colère, certes, mais est-il nécessaire de la surligner à ce point ? L’eau qui manque d’emporter la ville passe habilement par les maçonneries, s’insinue dans le décor : procédé habile, mais qui transforme l’escalier en fontaine de la Villa d’Este. Peu importe, une résurrection vocalement aussi parfaite nous remboursait de ces petits bémols.
Jean-Charles Hoffelé
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Photo d’Inva Mula : Patrice Nin
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