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Paris - Compte-rendu : Il Sant’Alessio au TCE, retour espéré
Entre Il Sant’Alessio et William Christie s’est tissée une longue histoire d’amour, concrétisée voici douze ans par un enregistrement qui fit date mais que ce spectacle démode : la distribution féminine d’alors, avec l’Alessio de Patricia Petibon, refusait l’une des données primordiales le l’œuvre. L’Eglise de la Contre-Réforme avait interdit aux femmes de paraître sur les scènes des théâtres, toutes les parties vocales d’Il Sant’Alessio étaient donc tenues par les castrats tant aimés du librettiste Giulio Rospigliosi, qui allait revêtir la mitre papale en 1667 sous le patronyme de Clément IX.
Signe des temps, les auteurs du spectacle n’ont pas peiné pour trouver les neuf contre-ténors que l’ouvrage exige. Le parlar cantando de Landi, qui peine parfois ici au contraire de celui plus orné qu’il employa dans son vrai chef d’œuvre, La morte d’Orfeo, est intrinsèquement lié à ce type de timbre et à la vocalité qu’il produit. On avait en fait le sentiment de découvrir l’œuvre. Cast flamboyant, des valets comiques – formidable Damien Guillon jusque dans sa repentance – aux grands emplois tragiques où tous excellaient, Jaroussky, Alessio esseulé et tendre dans son martyr d’abnégation distillait ses aigus de pur argent qui semblent peser le poids d’une plume, invoquant la vocalita stratosphérique des grands castrats et la capturant avec une grâce que l’on est pas près d’oublier, Bertin, beau Nuntio, Jean-Pierre Bonnevalle toujours formidable dans les emplois de composition et qui donne à la Nourrice une tendresse bienvenue, Xavier Sabata, maternelle en diable et tirant un peu sur la corde piétiste – les tentations de le faire parsèment l’ouvrage, sont une part de sa vraie nature – , Terry Wey qu’on a connu un temps soliste des Wiener Sängerknaben, parfait de sérénité en Religione, et au-dessus de tous l’Epouse de Max Cencic, dont le timbre est celui d’un vrai mezzo féminin.
On l’entendrait sans problème dans un rôle comme le Sesto de la Clémence de Titus mozartienne. Benjamin Lazar a encore raffiné son langage gestuel en le pliant à de fortes réminiscences picturales : Pierre de Cortone n’est jamais très loin. Il parvient à animer ce théâtre des sentiments avec une justesse infaillible, mais, bémol notoire, il ne maîtrise pas l’espace pour les scènes de foule : son Carnaval paraissait tassé, dans son style le nombre fait masse, même chorégraphié. Paye-t-il là un tribut au concept du jeu frontal ? C’est probable. Seule réserve pour un spectacle majeur, baigné dans l’irréelle lueur des bougies qui distillait autant de tableaux vivant. Discrète, tout au service du chant mais peut-être pas assez engagée dans les mots ou dans l’enthousiasme de la laudation finale, la maîtrise de Caen faisait aussi bien qu’elle pouvait, tout comme Alain Buet, souffrant avec dignité ou Luigi de Donato, se mesurant à la partie inchantable du Démon, aux graves insaisissables. Soirée historique, qui semble augurer d’une collaboration suivie entre William Christie et Benjamin Lazar.
Jean-Charles Hoffelé
Stefano Landi, Il Sant’Alessio, Théâtre des Champs-Elysées le 24 novembre.
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Photo : Alvara Yanez
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