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Liège - Compte-rendu : Maria Stuarda - Bouleversante Patrizia Ciofi
L'Opéra de Liège était en émoi pour la dernière représentation de Maria Stuarda de Donizetti, suite à l'indisposition inattendue de Mariana Pizzolato qui devait interpréter Elisabetta. Après une première annonce tardive, le spectacle a pu être sauvé grâce à la jeune Diana Axentii, distribuée jusque là dans le rôle d'Anna, qui acceptait de remplacer sa consoeur au pied levé dans une version écourtée.
La mise en scène de Francesco Esposito sage et conventionnelle dans sa manière de suivre l'action, laisse les corps se frôler, s'affronter de loin et s'agenouiller à la moindre occasion. Un décor unique et modifiable sert de prison, de cour, ou de parc (celui-ci représenté par un sol vert mal éclairé et par une forêt grossièrement stylisée), pour accompagner les dernières heures de la Reine d'Ecosse. Le livret de Giuseppe Bardari inspiré de la pièce éponyme de Friedrich von Schiller (1800), est très édulcoré et privilégie la seule et unique rencontre - pourtant imaginaire - entre les deux reines, puis la lente et sublime montée de Maria vers l'échafaud, sacrifiée par Elisabetta après l’avoir publiquement insultée.
Au petit jeu des comparaisons entre le théâtre et l'opéra, les mots de Schiller l'emportent sur les notes sautillantes conçues par Donizetti pour habiller la grande confrontation des soeurs ennemies par la véhémence, l’acuité et le climat délétère qu'ils instaurent et qu'avait si bien su exploiter Fabian Chappuis dans sa noble et pénétrante mise en scène de l'oeuvre récemment à Paris, au Théâtre 13. La musique reprend cependant ses droits et son extraordinaire pouvoir d'évocation tout au long de la scène finale, élégiaque, bouleversante, surtout lorsqu'elle est défendue par Patrizia Ciofi, dont la voix blessée tire les larmes et exalte les passions.
De la trilogie donizettienne, Maria Stuarda s'inscrit tout naturellement dans les cordes et dans l’univers musical de la cantatrice, par la féminité et la tendresse que cette reine déchue lui inspire. De la cavatine d'entrée "O nube che lieve " qu'elle habite avec ferveur et dont elle cisèle chaque vocalise avec pureté, à l'étreignant duo avec Talbot "Quando di luce rosea" où son timbre fuselé fait merveille, son interprétation culmine dans le long finale, éblouissant rituel belcantiste où l'héroïne se retire du monde dans une attitude à la fois résignée et fière, extatique et irréelle. Encore un opéra de Donizetti marqué de son sceau après Lucia di Lammermoor, Pia di Tolomei, La Fille du régiment et L'Elisir d'amore.
De cette version tronquée (un seul duo pour l'acte 1, un second acte complet et un dernier débuté juste avant le duo dit "de la confession" entre Talbot et Maria), subtilement conduite par Luciano Acocella qui obtient le meilleur des instrumentistes de l'Orchestre de l'Opéra Royal, on retiendra le Comte de Shrewsbury sobre et élégant du baryton Federico Sacchi, bien plus à l'aise vocalement que son comparse Danilo Formaggia (Comte de Leicester), dont le timbre gracieux ne peut faire oublier le registre limité et l'aigu inconsistant. On remerciera la mezzo-soprano Diana Axentii (Anna) pour s'être emparée sans faillir, partition en mains, du rôle d'Elisabetta après s'être substituée à Marianna Pizzolato, sans oublier de saluer la courte prestation de Mario Cassi, éloquent Lord Cecil, ainsi que les choeurs efficacement préparés par Edouard Rasquin.
François Lesueur
Donizetti : Maria Stuarda, Opéra Royal de Wallonie, 11 mai 2008
Photo : DR/Opéra de Wallonie
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