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Paris - Compte-rendu : Philippe Bianconi au Festival Chopin : Force et pudeur


La programmation du Festival Chopin de l’Orangerie de Bagatelle est cette année construite sur des parallèles entre l’auteur des Polonaises et certains de ses contemporains ou continuateurs. Chopin et Schumann composaient ainsi le récital de Philippe Bianconi. Beauté du chant, pudeur, simplicité : les deux extraits des Phantasiestücke op 12 (Des Abends, In der Nacht) placés en exergue de la soirée donne le ton et traduisent l’essence profonde d’un jeu exempt de toute facilité, mais en rien froid ou neutre.

Chopin n’est pas l’auteur que l’on associe le plus immédiatement à un interprète plus connu dans Schumann et la musique française, mais on adhère immédiatement à la densité poétique, au drame sans emphase du Nocturne op 27 n°1, tandis le n°2 parvient à un merveilleuse vocalité belcantiste. La passion, l’engagement ne s’opposent jamais chez Bianconi à une conscience aigue de l’architecture des ouvrages. Narrative, sa Fantaisie en fa mineur conjugue énergie et homogénéité d’ensemble, tandis le Scherzo n°2 ose une conception pleine de relief, de drame et de virilité.

Après un bref hommage musical aux Jardins de Bagatelle (exercice imposé à tous les pianistes cette année) avec Le Jardin de Dolly de Fauré dans la belle transcription d’Alfred Cortot, Bianconi aborde la 2ème Ballade de Chopin en conciliant, comme dans le scherzo, contrastes et cohérence avec une sonorité pleine et riche.

Vient alors le moment pour l’artiste de retrouver l’un de ses chevaux de bataille : les Kreisleriana. Rien sous ses doigts des emportements brouillons dont certains abusent parfois chez le musicien allemand. Superbement tenue, quoique jamais boutonnée, l’approche de Bianconi sonde la polyphonie de l’ouvrage avec une rare acuité. Schumann invitait les jeunes musiciens à faire de Bach leur pain quotidien… Il semble que l’ombre du Cantor plane sur une interprétation fervente, mais sans rien de précipité, de « boulé » (le n°1 de l’ouvrage s’avère exemplaire de ce point de vue) et qui maîtrise les complexes entrelacs de la partition d’une saisissante manière. Chopin n’eût pas désapprouvé pareille conception.

Chaleureusement accueilli par le public d’une Orangerie bondée, Bianconi le remercie de trois bis : le Chopin du Carnaval, op 9, l’Aufschwung des Phantasiestücke op 12 et, enfin, une mazurka du Polonais.

Alain Cochard

Festival Chopin, Orangerie de Bagatelle, le 10 juillet 2008

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Photo : DR

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