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La Chronique de Jacques Doucelin - Revanche de la province
L'été des festivals permet à nos oreilles encrassées de parisiens blasés une salutaire cure de jouvence, de fraîcheur et d'authenticité. Si l'on excepte le Festival d'Aix que le TGV a transformé peu ou prou en manifestation parisienne délocalisée, l'Hexagone témoigne en juillet et en août de trésors d'imagination et de dévouement. Et de professionnalisme aussi. Car plus d'un spectacle lyrique qui irriguera la vie artistique de la France profonde lorsque la bise sera venue s'y prépare avec ferveur.
Des maîtres d'ouvrage, et notamment de jeunes chefs s'y font la main, le bras et la tête, parfois même explosent en toute innocence à l'abri de tout bavardage et de toute sur-exposition médiatiques. Ce fut le cas d'un Stéphane Denève qui entama sa carrière en dirigeant Cosi fan tutte de Mozart au Festival de Saint-Céré avant même d'avoir quitté le Conservatoire de Paris et d'être engagé plus tard par Hugues Gall à l'Opéra de Paris. Et puis de Jérémie Rhorer qui prépara à Deauville, puis à Beaune, ses débuts au Théâtre des Champs-Elysées, grâce à Jeanine Roze et à Michel Franck.
Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach et Un Barbier de Séville de Rossini partiront grâce à « Opéra éclaté » en tournée dans une trentaine de villes françaises après avoir fait les beaux soirs du dernier Festival de Saint Céré. Mais les grandes institutions musicales régionales elles-mêmes font preuve dans l'établissement de leurs programmes d'autant de sérieux que de curiosité. Pour s'en persuader, il n'est que d'observer les ouvertures de saison de nos théâtres lyriques. Mis à part ceux de Toulouse et de Lyon qui visent le standard international, on remarquera notamment la fidélité de l'Opéra de Marseille aux enfants de son pays. C'est ainsi que sa bonne fée Renée Auphan inaugurera la saison phocéenne, le 27 septembre, avec la Salambô du Marseillais Ernest Reyer à l'occasion du centenaire de sa mort.
A l'Opéra de Nancy et de Lorraine, Laurent Spielmann jouera la nouveauté lyrique avec une commande passée au compositeur italien Giorgio Batistelli, Divorce à l'italienne, d'après le film éponyme de Pietro Germi de 1961. A Bordeaux, dans notre plus bel Opéra construit par Victor Louis à la veille de la Révolution française, Thierry Fouquet réunit, le 24 septembre, deux chefs-d'oeuvre des deux plus grands compositeurs britanniques, Henry Purcell et Benjamin Britten, avec la Cantate Phèdre du second et Didon et Enée du premier avec Mireille Delunsch pour ses débuts dans le rôle de la reine de Carthage. L'Opéra du Rhin se met au diapason de « Musica », l'inventif Festival alsacien de l'avant-garde musicale, en ouvrant parallèlement sa saison, le 19 septembre, avec la création française du premier opéra de Benoît Mernier, L'Eveil du printemps d'après la pièce du même nom de Franck Wedekind dans une production venue de La Monnaie de Bruxelles.
L'union faisant la force de ceux qui ne disposent pas des subventions somptuaires des grandes institutions lyriques parisiennes, saluons l'heureuse initiative de quinze Opéras régionaux qui feront voyager... Le Voyage à Reims de Rossini d'Avignon à Vichy en passant par Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Massy, Metz, Montpellier, Nancy, Nice, Reims, Saint-Etienne, Toulon, Toulouse et Tours. C'est un spectacle du Centre Français de Production Lyrique, qui promet de ne point engendrer la mélancolie. Foi de Gioaccchino Rossini!
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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