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Paris - Compte-rendu : Lionel Bringuier, un talent prometteur


Pour l’ouverture de sa saison, l’Orchestre Philharmonique de Radio France a eu la bonne idée d’inviter le jeune chef français Lionel Bringuier qui, à vingt-deux ans, s’impose comme l’une des gloires montantes de la direction d’orchestre. Ce vainqueur du Concours de Besançon 2005, assistant d’Esa-Pekka Salonen à Los Angeles et associé à l’Orchestre National de Bretagne, n’a pas fini de faire parler de lui si l’on en juge par son dernier concert Salle Pleyel.

D’entrée de jeu, avec l’Alborada del gracioso de Ravel qu’il situe à juste titre dans la descendance d’España de Chabrier, il accuse avec bonheur les à-coups rythmiques et dégage tout le relief de la riche palette sonore.

La même autorité transparaît dans sa manière très sûre d’accompagner le violoniste Tedi Papavrami dans le Concerto pour violon et orchestre de Magnus Lindberg créé en 2006 à l’Avery Fisher Hall de New York à l’occasion du 250e anniversaire de la naissance de Mozart. La partition n’est pas des plus révolutionnaires (elle utilise une formation Mozart) et témoigne même d’une certaine sagesse que l’on n’attendait pas d’un créateur porté jusque-là à l’expérimentation plus tellurique.

De caractère rhapsodique, d’une seule coulée (avec des cadences pour violon redoutables), l’œuvre semble chercher son miel dans les Concertos de Prokofiev, Sibelius ou Szymanowski en réalisant d’ailleurs une synthèse assez convaincante et d’une grande lisibilité aux limites du romantisme. L’archet de Tedi Papavrami confère une consistance harmonieuse aux différents climats en alliant pureté, virtuosité, fluidité et un lyrisme contrôlé, à l’instar du bis consacré à l’Andante de la Deuxième Sonate pour violon seul de J.S. Bach, d’une justesse d’intonation saisissante (les doubles cordes sont d’une égalité à couper le souffle).

Après l’entracte, Petrouchka d’Igor Stravinsky, dans sa version révisée de 1947, prouve la maîtrise du chef aussi bien dans les scènes les plus truculentes que dans l’intimisme plus mélodique où transparaît la psychologie de la marionnette. L’Orchestre Philharmonique de Radio France fait flèche de tout bois sous la conduite ample, distinguée et rigoureuse d’un chef déjà expérimenté. Lionel Bringuier parvient à donner toute son unité narrative à cette page bigarrée d’apparence fragmentée qui jongle sans cesse entre rythmes superposés et courtes cellules mélodiques.

Les musiciens du Philhar, par leurs interventions solistes (celle de la trompette, de la clarinette, de la flûte et du basson et surtout du piano de Catherine Cournot placé en plein centre de l’orchestre), contribuent également au succès mérité de cette interprétation jubilatoire et raisonnée. Le public est conquis. Lionel Bringuier a décidément de beaux jours devant lui.

Michel Le Naour

Salle Pleyel, 19 septembre 2008

Programme détaillé de la Salle Pleyel

Voir un extrait vidéo de Lionel Bringuier en enregistrement avec l’Orchestre de Bretagne

Photo : DR

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