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Paris - Compte-rendu - Opéra Comique - Didon et Enée au cœur du drame
Mais d’abord, quelques points d’histoire. Le Didon et Enée purcellien qu’on pensait avoir été écrit pour une institution de jeunes filles à Chelsea et représenté avant 1689, pourrait bien avoir été composé plus tôt, à des fins royales, et donné à la cour de Charles II vers 1684. Ce qui, bien évidemment, ne change rien à l’exceptionnelle dimension musicale et théâtrale de l’ouvrage, au demeurant seul opéra de l’auteur, au sens habituel du mot.
Plus en détail, la musique y est comme saturée de signes, n’existant en fait qu’à travers un seul rôle : celui précisément de Didon qui campe et enchâsse comme en un écrin un fabuleux portrait (destin) de femme. Un emploi où Malena Ernman (photo) est saisissante de dramatisme, assumant jusqu’à l’incarnation le personnage et alliant noblesse et beauté du chant à un port de reine.
Aussi bien, face à ce chef-d’œuvre baroque absolu, hélas demeuré sans descendance (le reste de la production lyrique de l’Orphée insulaire n’étant fait que de masques ou semi-opéras), le metteur en scène Deborah Warner affiche ses franches sympathies « représentatives », s’agissant d’un spectacle créé, voici deux ans, aux Wiener Festwochen et légèrement retouché aujourd’hui pour tenir compte de l’espace plus intimiste de la Salle Favart.
Seul nuage : il arrive que ces bonnes intentions soient parasitées par un activisme au premier degré, plus ou moins gratuit dans ses effets. Ainsi des gesticulations des écolières qui envahissent la scène au prologue, avant même le lever du rideau, ou tournent à la parodie d’Halloween à l’acte 2 (l’acte des sorcières) : allusion transparente au pensionnat où aurait eu lieu, selon la tradition, la « première » de l’ouvrage.
En revanche, la structuration tripartite de la restitution qui fait cohabiter les acteurs du mythe en costumes d’époque, les chœurs des Carthaginois et matelots en vêtements ordinaires d’aujourd’hui et les adolescentes en uniformes scolaires, répond bien – mais sans innover – au statut tragi-comique de l’œuvre, tant dans la Lamentation de Didon (derechef, sublime Malena Ernman) que dans les scènes vouées aux sorcières. Et les prestiges réunis de l’orchestre et du chant font le reste, qui mènent au succès cette relecture dirigée par un William Christie inspiré, à la tête d’Arts Florissants visiblement sous le charme immatériel de la musique, mais sans en occulter l’aspect sacrificiel, à la fois liturgie de la nuit et marche hallucinée vers la mort.
Cependant qu’on n’oubliera pas de saluer, côté solistes, l’Enée au profil héroïque de Christopher Maltman, la Magicienne idéalement truculente et malfaisante de Hillary Summers, et, pour finir sur une touche de grâce, la douce Belinda de Judith van Wanroij.
Roger Tellart
Purcell : Didon et Enée – Paris, Opéra Comique, 3 décembre 2008
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Photo : DR
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