Journal
Marseille - Compte-rendu - Aïda de retour sur la Canebière
Malgré son gigantisme, ses décors, ses figurants, ses danseurs, son exigeant plateau vocal et sa musique à la fois subtile et triomphale, Aïda ne fait pas peur à Marseille. Après sept ans d’absence - seulement - les amateurs de péplum et d’aventures égyptiennes se sont donc déplacés en masse vers la cité phocéenne pour assister au chef-d’œuvre verdien, que Paris s’obstine à tenir à l’écart.
Ce n’était peut être pas le spectacle du siècle, mais cette production sobre et soignée, qui mêle astucieusement éléments de décors et projections vidéo, joliment cadrée et éclairée, se tient de bout en bout au point de faire oublier certaines maladresses et l’absence de direction d’acteurs (point faible de Charles Roubaud). Livrés à eux-mêmes, sans indications précises, sans parti pris, les interprètes font ce qu’ils peuvent pour exister en scène avec des résultats divers. Jolie femme, Adina Aaron (Aïda) mériterait un meilleur accompagnement scénique, tout comme Ko Seng-Hyoun (Amonasro) tout d’une pièce, Walter Fraccaro (Radamès) ne sachant que faire de son corps et de ses bras ballants ; seule Béatrice Uria-Monzon (Amnéris) (photo), est en mesure de défendre un personnage rongé par ses sentiments, qui cache son désir sous un profond mépris.
Conduite avec une certaine rigueur et un respect des nuances, la partition facilement ronflante et qui se prête à l’exhibition, est elle aussi fermement tenue par Nader Abbassi, même si quelques incertitudes en matière de phrasés et d’attaques se font plus d’une fois sentir au cours de la représentation. Seuls face à leurs destins, ou entourés d’une cohorte d’esclaves, de prêtres, de soldats ou de prisonniers dansants et bondissants, les héros de cette intrigue ont fort à faire et chantent avec courage.
Adina Aaron a sans doute écouté Leontyne Price dont elle reproduit certaines couleurs fauves, mais l’instrument se révèle fragile, les registres mal soudés et les aigus bridés ; quelques notes piano nous rappellent cependant la délicatesse de l’héroïne dont le cœur palpite entre un père qu’elle ne veut trahir et un amant qu’elle ne peut aimer librement. Fière et tourmentée, derrière une élégance à toute épreuve, l’Amnéris de Béatrice Uria-Monzon est adroitement négociée, la ligne de chant conduite avec assurance, même si l’intonation est parfois basse et le volume restreint. Après Eboli, La Favorita et avant Adalgisa, ce nouveau rôle italien marque une étape importante dans la carrière construite avec intelligence de la cantatrice française.
Sans allure et avec une voix épaisse qui accuse les tensions, Walter Fraccaro dessine un Radamès sommaire auquel manque la vaillance de l’accent et la séduction du timbre. Wojtek Smilek campe pour sa part un superbe Ramfis et Dmitry Ulyanov un Roi parfait, tandis que Ko Seng-Hyoun donne beaucoup de voix à Amonasro, sans pour autant porter un véritable regard sur le profil du monarque éthiopien.
François Lesueur
Verdi : Aïda – Opéra de Marseille, le 7 décembre 2008
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Photo : DR
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