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Paris - Compte-rendu : Le Requiem, opéra sacré
La salle Pleyel n'est certes pas une église. Son acoustique analytique, aux limites de la sécheresse, constitue même le contraire d'un lieu de culte. Rarement pourtant, le Requiem de Mozart aura aussi bien sonné que celui qu'y a dirigé Hervé Niquet (photo) à la tête de son Concert Spirituel, des Choeurs de la Radio flamande et d'un quatuor de solistes composé de Sandrine Piau, Marina De Liso, Xavier Mas et Joao Fernandes. Le manque de réverbération s'ajoutant à l'absence de vibrato des cordes baroques accusait d'autant le relief des vents, et singulièrement de la petite harmonie où les instruments utilisés dans les loges maçonniques du temps de Mozart comme les cors de basset, sorte de clarinettes coudées.
On le sait, ces derniers interviennent dans l'introduction de sa Messe des morts à laquelle ils prêtent les mêmes couleurs sombres et sinistres que celles de l'extraordinaire Ode funèbre maçonnique qui accompagna en 1785 une cérémonie de deuil après le décès de deux frères maçons de Mozart. Or, rien n'est jamais fortuit chez Wolfgang qui sait toujours exactement où il veut aller et par quels moyens y parvenir le mieux. Ici, c'est un équilibre particulier entre les timbres de son orchestre ainsi que le recours au fameux ton grégorien de ré mineur que Mozart utilise chaque fois qu'il veut suggérer l'idée de la mort : cet antique mode mineur caractérisait déjà le personnage du Commandeur dans Don Giovanni et apparaissait également dans le plus tragique et le plus génial de ses Concertos pour piano, le 20e.
Grâce à la transparence de l'acoustique de Pleyel, on a ainsi perçu dans toute sa force ce jeu subtil des tonalités et des couleurs instrumentales, car Hervé Niquet sait lui aussi où il veut nous mener. Il a ainsi démontré l'unicité profonde de l'oeuvre préférée des mélomanes en tenant ferme le gouvernail des couleurs et des timbres. L'enchaînement des atmosphères y fut ainsi parfaitement maîtrisé dans leur unité comme dans leur force symbolique: la messe des morts cache un hymne aux vivants ! On s'en doutait un peu, car si La Flûte enchantée tient de l'oratorio maçonnique, le Requiem a tout d'un opéra sacré !
Impression que vinrent, du reste, renforcer les interventions des solistes qui nous ramenèrent soudain à l'ultime répétition de l'ultime chef-d'oeuvre autour du lit de Mozart à la veille de sa mort : outre sa femme Constance, en effet, ce sont les propres interprètes de Tamino et de Sarastro dans La Flûte enchantée (qui triomphait alors pour quelques semaines encore dans un théâtre des faubourgs de Vienne) qui prêtent leurs voix au Requiem. La parenté des deux oeuvres n'est plus une illusion d'optique, ni un concours de circonstances, mais bien la volonté d'un génie qui veut tout dire sur tout avant de quitter la terre des hommes. Merci à Hervé Niquet et à ses interprètes de nous l'avoir fait entendre.
Jacques Doucelin
Salle Pleyel, 27 janvier 2009
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Photo : DR
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