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Nice - Compte-rendu - Le Barbier de Séville - Plus buffa qu’opera !
Inspiré de la célèbre pièce de Beaumarchais, Le Barbier de Séville de Rossini demeure avant tout un chef d’œuvre musical. Si l’on en croit l’histoire, cet opéra bouffe fut élaboré en treize jours. Ce qui fit dire à Donizetti, interrogé sur la possibilité d’achever une création dans un délai aussi court : « Pourquoi pas, il est tellement paresseux ! ».
Puisqu’il s’agit avant tout de musique, saluons d’abord la performance de Sergio Monterisi dont la carrière de chef d’orchestre spécialiste de ce répertoire s’est enrichie de son expérience de chef de chœur et de chant dans de nombreux établissements lyriques de l’Italie du Sud. Dès l’ouverture on comprit que rien ne manquerait au plaisir d’entendre du Rossini : légèreté, vivacité, fluidité de l’ensemble, même dans le crescendo final qui reste tout en nuances. Sergio Monterisi communique son enthousiasme à l’Orchestre Philharmonique de Nice ainsi qu’au plateau.
La mise en scène de Charlie Mangel met l’accent sur la dynamique scénique et sur les jeux des chanteurs. Dérouté au lever de rideau par un décor composé d’échafaudages et d’un assemblage plutôt hétéroclite d’objets, le public s’est finalement laissé convaincre par son habile exploitation, laquelle répondait à la nécessité de ne pas entraver la cadence rythmée de l’action. Elle symbolisait également les mille articulations tortueuses de l’intrigue : la « précaution inutile » qui permet finalement à Rosina et au Comte Almaviva d’officialiser leur union après moult rebondissements et stratagèmes imaginés par Figaro, repose sur une clef dérobée et la disparition d’une échelle !
Cette production accentue tous les effets pantomimiques, quasi burlesques, sans toutefois tomber dans les excès de la caricature. Grand corps dégingandé au regard malicieux, Evgueniy Alexiev campe, comme il se doit, un Figaro malin et virevoltant dont l’incessante hyperactivité acrobatique s’exerce parfois au détriment du chant (dans le « Largo al factotum » par exemple), et ce en dépit d’une voix plaisante à la belle sonorité grave.
Le ténor Dominique Moralez ne recule pas non plus devant la multiplication des expressions du regard. Un peu fluette au commencement, la voix offre de belles envolées lyriques une fois échauffée. La plus belle part revient toutefois à Kirstin Chavez : même si elle a un peu tendance à faire claquer ses aigus, la mezzo-soprano incarne une Rosina gracieuse, élégante et amoureuse à souhait lorsque son chant mélodieux s’unit à celui du Comte dans un duo très impressionnant de sensualité. On mentionnera également la belle prestation de Jean-Luc Chaignaud dans le rôle de Bartolo, ainsi que, dans une moindre mesure, celle de Carlos Esquivel dans celui de Don Basilio. Virginie Pochon réjouit en transformant le personnage de Bertha en secrétaire sexuellement frustrée.
Ce sont finalement dans les récitatifs que les artistes donnent le meilleur d’eux-mêmes et suscitent l’admiration. Ils respectent en cela la tradition populaire de l’opéra bouffe où les péripéties extrêmement scénarisées du théâtre vivant l’emportent sur la tension plus statique d’un lyrisme exacerbé. De ce point de vue, ce Barbiere niçois mérite des éloges.
Jean-Luc Vannier
Opéra de Nice, Vendredi 20 février, prochaines représentations les 24 et 26 février 2009
Photo : DR
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