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Compte-rendu - Festival de Prades - Le rare et le célèbre
Chers à l’époque de Pablo Casals, les ouvrages fameux de Bach, Mozart, Beethoven et autre Schubert conservent une place importante à l’affiche du Festival de Prades. A l’approche du 60e anniversaire de sa fondation, la manifestation prouve toutefois que, sous l’impulsion de son directeur artistique le clarinettiste Michel Lethiec, elle a su évoluer vers des programmes très variés, ouverts à la rareté comme à la modernité – d’aucuns l’ignorent, ou feignent de l’ignorer, mais la musique contemporaine est en effet très présente à Prades.
Le festival est d’ailleurs à l’origine d’un concours de composition biennal dont la 3e édition a couronné le jeune compositeur vénitien Daniele Gasparini en avril dernier pour « Quando il vento sognava », un quintette pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano inspiré par le recueil « Sobre los angeles » du poète espagnol Rafael Alberti. Cette partition très écrite, d’un extrême raffinement dans la dynamique et les subtils équilibres qu’elle établit entres les timbres instrumentaux trouve chez les musiciens de l’ensemble Calliopée (Anne-Cécile Cuniot, Chen Halévy, Florent Audibert, Frédéric Lagarde) associés au violon de Svetlin Roussev des interprètes de premier ordre, attentifs au relief frémissant et au mystère qui caractérisent l’ouvrage.
L’une des découvertes d’une soirée qui n’en manque pas puisque le Fine Arts Quartet et l’altiste Bruno Pasquier donnent une création française de … Mendelssohn ! Dans sa version première, le Quintette n°1 op 18 comportait un Minuetto en fa dièse mineur au lieu du Scherzo que l’on connait aujourd’hui et c’est ce mouvement originel que l’on entend sous des archets dont le chic et l’amicale complicité font merveille, là comme dans l’Intermezzo que Bruckner écrivit, sur la requête de Joseph Hellmesberger, pour remplacer le Scherzo du Quintette à cordes - Scherzo qui est finalement demeuré dans l’ouvrage tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Il serait intéressant d’entendre ces deux mouvements replacés dans leurs contextes respectifs, mais cela rallongerait démesurément un programme déjà copieux. Après l’entracte, la Symphonie n°3 de Beethoven attend en effet Svetlin Roussev, Paul Coletti, François Salque et Jean Claude Vanden Eynden. L’ « Héroïque », oui vous avez bien lu !, mais dans la rarissime version pour quatuor avec piano de Ferdinand Ries. Quel flamboyant moment ! Les interprètes se lancent à corps perdus dans l’aventure, seule manière de réussir l’arrangement d’une œuvre symphonique aussi fameuse. On n’est pas près d’oublier le violon chauffé à blanc de Svetlin Roussev et le formidable engagement de tous les protagonistes – sans parler d’un impeccable fini instrumental. « « Héroïque » de chambre » certes ; mais « Héroïque » d’abord et sans hésitation !
Après ce programme inattendu, celui entièrement mozartien qu’accueille à nouveau l’Abbaye Saint Michel de Cuxa, le lendemain, présente un profil plus traditionnel. Il serait néanmoins malvenu de bouder l’énergie et le charme que le Shanghai Quartet (photo) et le contrebassiste Jurek Dybal apportent à la célébrissime «Petite Musique de Nuit », avant de s’associer à Ralf Gothoni pour la version chambriste du Concerto n°14 KV 449. Avec une élégance sans maniérisme et une grande fermeté du trait, le pianiste finnois sait traduire la personnalité d’une partition débordante de prémices qui précède d’un an seulement le 20e Concerto en ré mineur.
Christian Altenburger, Dong Suk Kang, Bruno Pasquier, Vladimir Mendelssohn et Gary Hoffman : luxueuse équipe pour le Quintette n°3 à deux altos en sol mineur KV 516 qui conclut la soirée… et résultat à la hauteur des espérances qu’une telle affiche suscite. Cinq archets inspirés, unis pour faire resplendir la tendresse, le drame et l’humaine solitude de Mozart. L’esprit de Prades dans sa plus belle expression…
La fête chambriste se prolonge quelques jours au pied du Mont Canigou, il encore temps d’en profiter ! Concert de clôture le 13 août avec un original programme Haydn, Martinu, Spohr et Mendelssohn.
Alain COCHARD
Festival de Prades, les 3 et 4 août 2009
Jusqu’au 13 août
Infos : 04 68 96 33 07
www.prades-festival-casals.com
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Photo : J. Molina
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