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Sur les pas de Peirol d’Auvèrnha - 3 Questions à Bruno Bonhoure, directeur artistique de La Camera delle Lacrime

La musique médiévale occupe beaucoup Le Camera delle Lacrime, son nouveau projet autour du troubadour Peirol d’Auvèrnha en est une preuve, mais le jeune ensemble de Bruno Bonhoure sait aussi s’intéresser à d’autres époques. Des «variations autour de La Belle et la Bête » en octobre au Festival de musique baroque de Pontoise l’attestent.

Par quoi la création de La Camera delle Lacrime a-t-elle principalement été motivée ?

Bruno Bonhoure : La Camera delle Lacrime existe depuis trois ans et demi. Notre projet est vaste puisque nous nous consacrons à la permanence d’une poésie chantée et accompagnée. L’année prochaine nous travaillerons sur une chanson du XIe siècle, mais nous allons jusqu’aux complaintes du XIXe et même parfois jusqu’à la chanson du XXe siècle pour essayer de voir ce qu’il y a de la chanson populaire, de la musique ancienne à y deviner. Le premier projet de notre ensemble portait sur les chants de tradition populaire, en français et en occitan ; des chants que je connais de ma mère puisque j’ai des origines nord-avyeronaises et paysannes. Nous étions déjà dans cette recherche de croisements, cette envie de donner une nouvelle lisibilité à une chanson passée en invitant des musiciens venus d’autres horizons musicaux (baroque par exemple).

Un deuxième projet portait sur un programme XVIIe siècle composé de chansons très en vogue à la cour de Louis XIII et qui avaient été retravaillées par des abbés du sud de la France pour en faire des chansons pour le temps de la Nativité. Notre dernier projet autour de Peirol d’Auvèrnha est une façon de revenir à mes premières amours, la musique médiévale que j’avais abordée à la fin des années 1990 en Italie avec l’Ensemble Micrologus et la chanteuse Giovanna Marini. J’avais envie de travailler sur un personnage pas trop identifié et, en réfléchissant avec mon collaborateur Khaï-dong Luong, le choix s’est porté sur Peirol d’Auvèrnha.

Qui est donc cet auteur, objet à la fois de votre nouveau CD(1) et des concerts du 27 septembre à Aurillac, du 30 au Musée de Cluny et du 8 octobre aux Trois Baudets ?

B. H. : On a la chance de posséder dix-sept chansons de Peirol (né, suppose-t-on, vers 1160 et mort de façon certaine en 1225 à Montpellier), conservées sur trois manuscrits (deux à la BNF et un à Milan). La particularité de ce troubadour est qu’il a entrepris le pèlerinage jusqu’à Damas et Jérusalem. Notre idée en ce début de XXIe siècle est de voir quels sons, quels parfums, quels goûts il a découvert là-bas. Nous imaginons que nous sommes en 1220 ; Peirol est de retour à Montpellier, il invite quelques amis et raconte …

La particularité des chansons de Peirol d’Auvèrnha est qu’il s’agit de dix-sept chansons d’amour, toutes essentiellement inspirées par une seule personne : la sœur de Dauphin d’Auvergne, seigneur de Montferrand (au service duquel Peirol entre dans ses jeunes années). Finalement Dauphin d’Auvergne s’aperçoit que les sentiments de Peirol pour sa sœur pourraient bien dépasser l’amour courtois et il l’évince de son château. Avec sa vielle à archet et son talent, Peirol se met en route et va de château en château, jusqu’au nord de l’Italie. On possède des témoignages attestant de ses qualités de poète et de musicien. Par la suite, il entreprendra le voyage jusqu’à Damas et Jérusalem pour finalement rentrer à Montpellier, s’y marier et mourir. L’originalité de notre projet Peirol d’Auvèrnha est d’aborder pour la première fois au disque et au concert l’intégralité de ses chansons, mais je veux aussi insister sur la diversité des instruments que nous utilisons. Il y en a autant de l’époque médiévale occidentale qu’orientale. C’est je crois une manière de mieux faire goûter à l’amour courtois que chante Peirol.

Un programme bien différent vous attend le 16 octobre au Festival de Musique baroque de Pontoise : des variations autour de l’édition de 1758 de La Belle et la Bête… De quoi s’agit-il ?

B. H. : Nous quittons là le Moyen Âge pour le XVIIIe siècle. Notre idée a été de revenir à l’édition originale de La Belle et la Bête, imprimée à Lyon en 1758. Dans cette édition, il est très souvent question d’un clavecin. On trouve l’instrument dans la première maison où le marchand vit avec ses enfants. Il perd ensuite tout ses biens et s’installe dans une maison de campagne où il n’a gardé que le clavecin de sa fille. Tous les jours, celle-ci se met au clavier et travaille assidûment. Plus loin dans les appartements de la Belle on trouve de grands livres de musique et un clavecin… Une rencontre entre le texte, que je dis et chante, et le clavecin s’est imposée à moi et j’ai conçu ce croisement entre le conte et la musique avec le concours de la claveciniste Elisabeth Geiger, qui interprète des pièces des XVIIe et XVIIIe siècles.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 21 septembre 2009

(1) 1 CD Zig Zag Territoires/ZZT 090903 (parution 24/09/09)

Concert « Marseille – Damas - Jérusalem ; Peirol d’Auvèrnha »

Théatre d’Aurillac, le 27 septembre
Rens : 04 71 45 46 05

Paris- Musée de Cluny/Musée national du Moyen Âge
Le 30 septembre
Rens. : 01 53 73 78 00

Prochains concert de La Camera delle Lacrime : www.lacameradellelacrime.com

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Photo : DR
 

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