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Compte-rendu : Haydn par tous les temps - John Eliot Gardiner dirige Les Saisons
C’est fou ce que John Eliot Gardiner est moderne et prémonitoire lorsqu’il dirige Beethoven, l’élève rebelle de Joseph Haydn, à la tête de son Orchestre Révolutionnaire et Romantique et de son justement fameux Monteverdi Choir. Il se passe exactement le même phénomène que lorsqu’il s’attaque à son cher Hector Berlioz, de la Messe solennelle aux Troyens magistralement ressuscités au Châtelet : le recours aux instruments d’époque, loin d’enfermer ces chefs-d’œuvre dans le coton des musées, met merveilleusement en relief ce que ces musiques avaient de révolutionnaire et d’innovant à leur création.
C’est tout le contraire qui se passe avec le professeur de Beethoven comme l’a prouvé leur interprétation des Saisons, ultime oratorio profane du bon Papa Haydn. A l’instar de son collègue viennois Nikolaus Harnoncourt, Gardiner conduit l’œil rivé sur le rétroviseur ! Le vieux maître réalise là un savoureux patchwork empruntant à tous les genres et à tous les styles dont il accumulé l’expérience tout au long de sa carrière. La virtuosité si réactive des instrumentistes de Gardiner n’est nullement en cause : ils illustrent tous les climats et les éclairages contrastés des différentes pièces agencées ici comme celles d’une mosaïque.
S’il est vrai que les quatre saisons du calendrier et de la météorologie se succèdent sans se ressembler, force est de remarquer qu’il en va de même des mouvements d’une sonate ou d’une symphonie… Cela n’a jamais empêché d’y trouver un fil conducteur qui en assure la continuité. On admettra volontiers que le chef anglais veuille privilégier le pittoresque au détriment d’une dramaturgie d’ensemble. Ce qui étonne davantage de la part de Gardiner, toujours à l’affût de la nouveauté cachée par une formule traditionnelle « pervertie », c’est qu’il paraisse ne s’intéresser qu’aux formes anciennes – fugues chères à Bach et Haendel, airs d’opéra comique empruntés à l’ami Mozart depuis le Papageno de La Flûte en chantée à l’eunuque Osmin de L’Enlèvement au sérail, à la mélodie populaire, etc.
Or, même si elles n’égalent peut-être pas la réussite de La Création, Les Saisons ne sauraient être réduites à un « pêché de la vieillesse » de Haydn : il continue d’inventer l’avenir de la musique ! Pas seulement le Beethoven de Fidelio, mais aussi les cuivres de Weber ou Wagner, voire les grands cycles de mélodies avec orchestre de Mahler. Timidité de la part du chef ou volonté de mettre l’accent sur la seule variété des couleurs et des climats : pourquoi pas ? On serait prêt à pardonner à Gardiner si les trois solistes (Lucy Crowe, soprano, James Gilchrist, ténor, et Matthew Rose, basse) n’avaient eu autant de mal à épouser ses choix, tant ils eurent une fâcheuse tendance à confondre l’esprit chrétien des cantates et l’idéologie des Lumières que Haydn célèbre ici.
Jacques Doucelin
Paris, salle Pleyel, le 12 octobre 2009
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Photo : DR
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