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Compte-rendu : Gustavo Dudamel à Pleyel - Double partage
No hay billetes : les concerts de Gustavo Dudamel deviennent semblables aux corridas de José Tomas : on doit s’y prendre de plus en plus tôt pour obtenir le précieux sésame et, comme lorsqu’il s’agit de goûter à la l’art du torero de Galapagar, le public se presse en masse pour s’engouffrer dans les bourrasques sonores que le jeune chef vénézulien déchaîne d’une manière qui n’appartient qu’à lui. Pleyel ne faisait pas exception vendredi soir. Par parenthèse, on souhaite à tous les chefs de disposer d’un même pouvoir d’attraction lorsque, la Philharmonie de Paris terminée, il faudra que le public migre – et, pour une part non négligeable, se gare ! – à la Villette… Mais, revenons à nos moutons.
Concert doublement partagé que le premier des deux que donnait Dudamel lors de sa halte parisienne. Castellanos et nos Ravel et Berlioz nationaux formaient le menu d’une soirée où l’on a effet successivement entendu Dudamel à la tête de l’Orchestre Philharmonique, puis avec son Orchestre de Jeunes Simon Bolivar et, enfin, avec une phalange composée d’une bonne moitié de l’une et de l’autre de ces formations pour la Symphonie Fantastique.
Les auditeurs en position d’observer les bras et les mains du chef mesurent à quel point, dès l’attaque du Lever du jour de la 2ème Suite de Daphnis et Chloé « le courant passe » avec des musiciens qui ont plus jamais les yeux de Chimène pour Dudamel. Loin d’une certaine orthodoxie française, son Ravel témoigne d’une merveilleuse surabondance de sève et l’ont est pris et convaincu par cette manière que quelqu’un près de nous qualifie de stokowskienne. Remarque judicieuse tant pour l’enivrante profusion des timbres que le naturel et la fraîcheur avec lesquels le chef donne le sentiment, à chaque mesure, d’inventer la musique. Il l’a dans le cœur et dans la tête – tout le concert aura été dirigé sans partition – : on est saisi tant par la précision que le souffle d’une interprétation venue de ce qui fait par bien des aspects figure de Nouveau Monde pour notre bon vieux répertoire.
Dudamel n’a pas oublié de donner sa place à un auteur latino-américain et les jeunes de l’Orchestre Simon Bolivar s’attaquent ensuite à la festive suite Santa Cruz de Pacairigua du Vénézuélien Envencio Castellanos (1915-1984) – que l’album « Fiesta » enregistré chez DG par Dudamel a fait connaître de ce côté-ci de l’Atlantique. Une musique qu’il faut entendre autant que voir pour pleinement céder à l’enivrante exubérance avec laquelle le chef et ses jeunes la dévorent. Flamboyant !
Musiciens français et vénézuéliens de retrouvent après la pause pour une opulente Symphonie Fantastique. La scène de Pleyel aura rarement été à ce point occupée ! La vénérable salle de la rue du faubourg Saint-Honoré, avec le manque de spatialisation qui la caractérise, a souvent du mal à « encaisser » cet assaut de décibels et deux moitiés d’orchestre n’en forment pas un en l’espace de deux jours travail. Tout cela était évidence avant que la soirée ne commence et présente finalement bien peu d’importance par rapport au formidable moment de partage musical qu’il nous est donné de vivre, d’éprouver physiquement. Sans doute, l’excès de matériau empêche le parfum de la musique de pleinement s’exhaler dans la Scène aux Champs. Mais qu’on ne compte pas sur nous pour jouer les englueurs d’atomes face un tel déferlement de bonheur et d’enthousiasme collectifs. Si seulement un laboratoire pouvait en réaliser quelques doses, à injecter certains soirs à certaines phalanges hexagonales…
Quant à la standing ovation immédiate et au franc délire - avec drapeaux vénézuéliens tendus ici ou là dans la salle ! - qui ont suivi la fin d’un tellurique Songe d’une Nuit de Sabbat, impossible de les décrire, il faut les voir pour y croire ! Dudamel ? Comme l’a dit Rattle, des chefs comme ça il y en a un par siècle ! La joie n’est pas mince de contempler son envol.
Alain Cochard
Paris, salle Pleyel, le 23 octobre 2009
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