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Piano ascendant baroque - Une interview de Racha Arodaky
La musique baroque réussit à Racha Arodaky ! Après une lumineuse anthologie de sonates de Scarlatti(1), la pianiste poursuit son exploration de la musique du XVIIIe siècle avec un album Haendel(2) dont l’énergie, le lyrisme et la tendresse signalent à nouveau une merveilleuse poète du clavier, autant qu’ils récompensent les nombreux internautes qui lui ont permis de se lancer dans son projet. A l’occasion de la parution de cet enregistrement, l’artiste se produit le 16 novembre dans l’intimiste Théâtre de l’Athénée et répond à concertclassic.
Votre CD Haendel est né dans des circonstances originales auxquelles internet n’est je crois pas étranger…
Racha Arodaky : En effet, n’ayant pas les fonds pour m’autoproduire, j’ai décidé de lancer une sorte de souscription sur facebook via mon site internet. J’ai lancé une demande d’aide à tous les internautes qui m’apprécient et souhaitaient soutenir le projet du disque Haendel. Je suis ainsi parvenue à rassembler une somme d’environ 7000 euros, ce qui m’a permis de disposer du premier investissement pour financer l’enregistrement, la location du piano, etc. S’est greffé sur ça un producteur, créateur d’un label de jazz par ailleurs, qui s’est intéressé au projet et a fait une coproduction avec moi sur ce disque. C’est une histoire qui réconcilie avec tout. Au départ c’était très hasardeux et finalement ça s’est révélé être une belle expérience humaine car tous ceux qui m’ont apporté leur aide l’on fait pour la beauté de l’art. Des gens m’ont même au départ offert leurs services : ainsi ces deux garçons merveilleux qui se sont chargés du graphisme et ont réalisé un bel objet, que l’on a du plaisir à regarder et à toucher aussi. Tout a été une histoire d’amour dans la réalisation de ce disque.
Pour poursuivre avec les histoires d’amour, pouvez-vous nous parlez de celle qui vous lie à la musique de Haendel bien sûr, mais au répertoire baroque plus généralement ?
R. A. : J’adore ce répertoire, j’ai vraiment l’impression de baigner dedans. C’est une musique qui me traverse totalement. Je ne sais pas exactement pourquoi, peut-être par son côté très sensuel, très chaleureux ; des tas de lignes s’y mêlent et, en même temps, tout est d’une limpidité incroyable. Quel lyrisme poignant aussi ! Cette musique vit en moi depuis longtemps puisque Murray Perahia, avec qui j’ai travaillé, m’a amenée à Haendel et Scarlatti. Je suis alors tombée vraiment amoureuse de ce répertoire. J’ai étudié deux ou trois suites de Haendel avec Perahia, puis je me suis mise à explorer toute la production pour clavier du compositeur. J’ai mis dix ans avant de me décider à faire ce disque Haendel. J’ai pris du temps comme toujours car j’avoue éprouver une certaine difficulté à figer le temps dans un enregistrement. Mon album mêle des œuvres du Cahier 1 (des œuvres plus tardives) et du Cahier 2 (des pages de jeunesse), passionnants l’un et l’autre même si l’on trouve plus de maturité dans le premier Cahier.
Certains pianistes ont pu parfois sembler un peu inhibés, complexés vis-à-vis du clavecin et des interprètes baroques. Ce n’est à l’évidence pas votre cas…
R. A. : Philosophiquement parlant, la musique se situe pour moi au-delà de l’instrument et je ne supporte pas qu’on l’enferme dans le côté matériel qu’il représente. J’aime beaucoup le clavecin et j’ai d’ailleurs un peu travaillé cet instrument, par curiosité, pour étudier la question des ornements, etc. Mais le clavecin et le piano n’ont rien à voir : le temps n’est pas le même sur l’un et sur l’autre ; on n’a pas du tout la même sensation du rythme, du tempo. Si l’on veut être au plus près du texte, on peut prendre les même tempi, faire les même ornementations au piano qu’au clavecin mais ça ne sort pas bien, ce n’est absolument pas naturel.
Comment avez-vous construit le programme de votre récital au Théâtre de l’Athénée ?
R. A. : Au départ, j’avoue que j’ai eu la tentation d’y mettre Bach aussi et puis, finalement, j’ai décidé de me limiter à Haendel, Scarlatti et Rameau – un auteur entré plus récemment dans mon répertoire. Il est intéressant de voir comment chacun de ces trois musiciens a écrit avec son identité, sa spécificité, sa culture ; de montrer un éventail de couleurs, de caractères. D’établir des parallèle aussi, par exemple entre l’Allemande de la Suite en la mineur de Rameau, dont je joue des extraits, et celle de la Suite en mi mineur de Haendel qui ouvre le récital.
Propos recueillis par Alain Cochard le 6 novembre 2009
(1) 1 CD Zig Zag Territoires (ZZT 060202)/dist. Harmonia Mundi
(2) 1 CD Air Note (AIR001-2009)/dist. Codaex
Récital de Racha Arodaky
Œuvres de Haendel, Scarlatti & Rameau
Théâtre de l’Athénée
Le 16 novembre 2009
7, rue Boudreau / 75009 ( M° Opéra)
Rés. : 01 53 05 19 19
http://www.athenee-theatre.com/
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Photo : DR
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