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Compte-rendu : Le Concile d’amour en création mondiale à Nantes - Le Diable est dans les détails
Ce « Concile d’amour », texte mythique d’Oskar Panizza qui ravissait André Breton, peut-il être un opéra ? Et qu’est l’opéra aujourd’hui ? Implicitement le spectacle de Jean-Pierre Larroche et de Frédéric Révérend pose ces deux questions, non que les créateurs de cette étonnante adaptation aient voulu révolutionner quoi que ce soit au genre.
Ils l’ont simplement mêlé avec l’esprit des théâtres de foire – la cour des Borgia, déjantée, est confiée à un sommaire mais efficace théâtre de marionnettes, où même les attributs sexuels paraissent (féroce vagin, désopilant pénis qui va jusqu’à son hystérique jouissance) – et celui d’un certain cabaret où se mêlent dérision et charge. C’est là que l’œuvre grince, que sa démesure et sa folie se recentrent, créant un discours fort dont le blasphème est comme l’emblème. Mais y-a-t-il blasphème puisque le Pape blasphème, se manipulant à l’évocation des martyrs? Si l’église blasphème, alors le blasphème perd son sens.
Un Christ anémique et bredouillant, angoissé par le repas pascal (Michel Chouquet), une Marie décidément pleine de grâce jusque dans son ton domestique (Dalita Khatir), un Dieu roupillant et oublieux (Frédéric Caton), un Diable percussionniste qui parle et joue de ses terribles machines en ponctuateur impénitent, font une famille décidément surprenante, pesant le mal et le mal, affinant leur justice jusqu’à ce que le Boiteux concocte la syphilis. Les Borgia n’en méritaient pas moins, et l’humanité entière paiera.
Les totems de la Sainte famille sont beau comme des poèmes, surtout celui de Dieu, mécanique d’horloge fulminante où Calder et Cocteau se télescopent, les arbres à anges du Paradis avouent tranquillement leur savant bricolage, et c’est d’abord par cet art de la débrouille que le spectacle saisit. Sur tout cela Michel Musseau a mis une singulière musique d’ameublement : un violon souvent nostalgique et assez Mitteleuropa, un trombone basse débonnaire, une guitare électrique maléfique où les enfers se glissent avec à propos, un chœur.
Les montreurs de marionnettes y joignent leur borborismes et leurs onomatopées. On n’est pas près d’oublier la cour des Borgia, ni le concile lui même, avec cet apparition minimaliste et désopilante de l’Esprit Saint et avec Dieu et Marie en majesté sur leurs nuées, comme échappés d’un Vouet. Quand au Christ qui se retourne sur sa croix, signe absolu du dégoût et du désespoir, il pourrait bien être Oskar Panizza lui-même. Espérons que ceux qui ont découvert la pièce grâce à cette proposition pertinente chercheront le texte complet(1). L’Opéra sert aussi à découvrir des œuvres théâtrales : voyez comment Mozart a répandu sur toute l’Europe l’esprit de Beaumarchais…
Jean-Charles Hoffelé
Michel Mousseau : Le Concile d’amour, Création mondiale - Nantes, Théâtre Graslin le 10 novembre 2009. Le spectacle sera repris le mardi 24 novembre à 20h à Meylan (Hexagone) dans le cadre du Festival 38e Rugissants (infos : 04 76 51 12 92)
(1) « Le Concile d’amour », suivi de son dossier de censure (Agone/Editions cent pages)
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Photo : DR
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