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Compte-rendu : La Somnambule à la Bastille - Heureuse surprise, néanmoins

Comme chacun sait, La Somnambule est une histoire à dormir debout. C’est surtout un mélo qui finit bien, en somme l’opéra de Bellini le plus proche de la face joyeuse de Rossini. Evidemment, à l’époque archi-romantique de la création de l’ouvrage en 1831, le public, qui avait la larme facile, croyait dur comme fer aux malheurs de la belle endormie comme aux histoires de revenants dans des châteaux d’Ecosse. Le metteur en scène suisse Marco Arturo Marelli, histoire de se mettre au diapason et d’en rajouter une louche, s’est rappelé que le malheureux compositeur de Norma était mort en bon romantique phtisique à trente et un ans.

Est-ce une raison pour enfermer l’action assez mince dans le grandiose et luxueux décor d’un sanatorium des Alpes digne de La Montagne magique de Thomas Mann ? L’excuse c’est qu’il s’agit d’une production venue de l’Opéra de Vienne qui n’a rien d’une bonbonnière, et qui s’insère judicieusement dans l’immensité de l’Opéra Bastille dont l’acoustique n’est pas vraiment idéale pour une musique écrite pour de petites salles… L’action en est ainsi modernisée d’un bon siècle et certains puristes pourraient même se croire revenus à l’ère…Mortier. Ca fonctionne et c’est l’essentiel.

Fonctionner c’est vite dit, car comme souvent à l’opéra, le spectacle commence avant le lever du rideau sur une annonce au public en deux parties aux effets radicalement opposés. Une responsable au look très Milva confirme d’abord la rumeur : « Madame Natalie Dessay est souffrante » ce qui entraîne une houle de « Oh » de déception à l’idée de devoir changer de somnambule, bientôt couverte par des « Ah » de soulagement en apprenant que la diva « a néanmoins décidé d’assurer la soirée ». Et Natalie, elle assure ! Une vraie pro qui possède toutes le ficelles du métier, à commencer par celle de l’annonce d’une faiblesse momentanée qui fait craindre le pire, mais a l’avantage de mettre les oreilles de la salle dans les meilleures conditions d’écoute qui soient : l’heureuse surprise.

Car comme toutes les grandes, Madame Dessay possède une technique de fer qui lui permet de chanter par tous les temps et toutes les conditions physiques. Ce qu’elle va faire : son parcours vocal est un vrai sans faute et un vrai régal pour qui ne l’a jamais entendue au mieux de sa forme. C’est à peine si la voix avoue un léger voile de brume que la diva sait écarter pour laisser fuser l’extrême aigu. Elle a bien fait de ne pas renoncer. Mais c’est la prudence qui l’emportera et la prudence n’est pas la marque de fabrique de cette petite torche vif-argent qui n’est exceptionnelle, c'est-à-dire elle-même, que lorsqu’elle se consume dans le délire de la pyrotechnie romantique. Elle joue sublimement son personnage somnambulique, mais sans prendre jamais le risque de disjoncter.

Le risque n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour de cette soirée mémère : une première sur des œufs. Son complice, le chef Evelino Pido veille à soutenir sa diva avec la même attention affectueuse que ses partenaires qu’on surprend à vêtir régulièrement, mais discrètement, les épaules de Natalie Dessay, qui d’un manteau de fourrure, qui d’une couverture blanche ou d’un voile de mariée... L’orchestre lui aussi est retenu : il enchâsse, soutient, ne couvre jamais, ne se lâche jamais. Or, ce répertoire ne vit que par l’extrême, ce grain de folie qui fait décoller des histoires à dormir debout qui ne nous touchent plus. C’est la faute à la grippe.

Si le décor unique est lourd, la direction d’acteurs est déliée. L’actrice hors pair Natalie Dessay entraîne son monde à sa suite dans de beaux mouvements d’ensemble bien réglés. Elle est joliment entourée à de rares exceptions près. D’abord, l’Elvino solaire du ténor mexicain Javier Camarena et le Comte idéal de la basse italienne Michele Pertusi. La mezzo roumaine Cornelia Oncioiu campe et chante une mère exemplaire. La soprano bordelaise Marie-Adeline Henry a juste ce qu’il faut d’acidité dans la voix pour caractériser le personnage noir de Lisa. Tout le monde se serre les coudes : lorsque Madame Dessay aura vaincu ses microbes, nul doute que la soirée flambera comme il convient.

Jacques Doucelin

Bellini : La Somnambule - Opéra Bastille : le 25 janvier, puis les 28 et 31 janvier, 3, 6, 9, 12, 15, 18 21 et 23 février 2010

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Programme détaillé de l’Opéra Bastille

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Photo : Opéra national de Paris/ Julien Benhamou
 

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