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Compte-rendu : Danse/ Exquises douleurs - Reprise de La Dame aux camélias à Garnier
On ne se lasse pas de pleurer aux souffrances de Marguerite Gautier, quand un créateur en sait tirer la quintessence avec le goût et l’intelligence d’un John Neumeier. Le plus musical des chorégraphes actuels fit le choix de Chopin pour raconter ce drame : subtil si l’on songe au parallélisme des destinées des deux phtisiques, morts à un an d’intervalle, et qui permet à Neumeier, lui-même à moitié polonais, de faire fusionner toutes les facettes de la musique de Chopin avec l’histoire, déployée du Théâtre des Variétés jusqu’à la mort de Marguerite dans son appartement des Champs Elysées. Une bouleversante évocation conçue en 1978 pour la grande ballerine Marcia Haydée, étoile du Ballet de Stuttgart, où le génie de Neumeier avait commencé de s’épanouir, avant qu’il ne prît la direction du Ballet de Hambourg en 1973.
L’œuvre n’accuse pas une ride, dans son romantisme effervescent, sa chorégraphie fluide qui alterne les ébats d’une jeunesse frénétique avec les déchirants pas de deux des amants, dans ces demi-teintes pour lesquelles Neumeier n’a pas d’égal. Au piano, Emmanuel Strosser et Frédéric Vaysse-Knitter se partagent la difficile tâche de faire sonner Chopin à l’aune des pas, des envolées, des arrêts sur image de la danse.
Quant aux interprètes de cette troisième reprise d’un chef-d’œuvre entré au répertoire de l’Opéra en 2006, ils montrent à quel point la danse y est vivante et riche tant chaque profil de ballerine entraîne des émotions différentes : choisie pour la première, la royale Agnès Letestu incarne Marguerite avec une élégance et une hauteur qui débouchent sur l’expression dramatique la plus forte lorsque le drame se noue. Tandis que Stéphane Bullion, joli garçon et bon partenaire, n’a pas encore la stature suffisante pour faire face à cette grande dame. Quant à Aurélie Dupont, fleur à la grâce entêtante, on a suffisamment goûté ses apparitions précédentes pour attendre avec impatience sa première le 18 février, en compagnie d’un danseur historique de la compagnie hambourgeoise, Jiri Bubenicek.
Forcément sublime aussi, la présence en Marguerite, les 1er et 4 mars, d’Isabelle Ciaravola, poignante Manon lors de la première, puisque l’héroïne de l’abbé Prévost, chère au cœur de la Dame, tient une place importante dans le ballet de Neumeier, comme d’ailleurs chez Dumas fils. La belle Corse a l’honneur de susciter l’admiration du chorégraphe, pourtant si difficile. Quand au corps de ballet, il semble avoir besoin de descendre un peu plus dans cette saga romantique, qu’il aborde pour l’heure de façon trop légère.
Jacqueline Thuilleux
La Dame aux camélias, ballet de John Neumeier – Paris, Palais Garnier, jusqu’au 4 mars 2010
Programme détaillé de l’Opéra Garnier
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Photo : Opéra de Paris/ Michel Lidvac
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