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Compte-rendu : De Franz à Reynaldo - 14e Festival de Pâques de Deauville
Le Festival de Pâques de Deauville ne se contente pas de découvrir et de mettre le pied à l’étrier à nombre de jeunes talents, il a aussi le goût des répertoires rares et ose volontiers des ouvrages peu courus. Ce n’est certes pas le cas des Années de Pèlerinage dont Bertrand Chamayou, confirmant ses profondes affinités avec l’univers lisztien, livre quelques extraits avec une science du timbre et une poésie qui soulignent la modernité d’une écriture où l’impressionnisme musical se profile.
On n’entend pas tous les jours en revanche le Via Crucis, confié ici au jeune et excellent ensemble Aedes dirigé par Mathieu Romano et à l’organiste Olivier Penin (sur un instrument électronique hélas…). De l’aride partition achevée par Liszt en 1879 les interprètes défendent une approche très intériorisée et moderniste. Mais la pauvre acoustique du Centre International de Deauville où ( la Salle Elie de Brignac étant en travaux) le festival a dû se replier cette année, dessert malheureusement la sobriété émue des Aedes.
La bonne humeur et la complicité de la sympathique famille musicienne deauvilloise qu’Yves Petit de Voize (photo) a su réunir au fil des ans demeurent toujours aussi grandes. Directeur du Théâtre de Deauville du 1924 à 1931, Reynaldo Hahn fut en son temps une personnalité marquante de la vie musicale et mondaine de la cité normande. Le Festival de Pâques ne l’a pas oublié et le concert d’hommage sur lequel le week-end se referme offre un bel exemple de l’esprit de partage avec lequel la musique y est vécue.
Un peu de Fauré en guise de préambule avec une tendre suite Dolly sous les doigts de Jonas Vitaud et Adam Laloum (un pianiste que Deauville avait repéré dès avant sa Victoire au Concours Clara Haskil en 2009) et voilà bientôt ce dernier rejoint par les archets de Charlotte Julliard, Mi-Sa Yang, Adrien La Marca et Victor Julien-Laferrière pour le méconnu Quintette en fa dièse mineur (1921) de l’auteur de Ciboulette. Elégante ferveur du mouvement initial, émouvante conversation en musique d’un merveilleux Andante ma non troppo lento – où les musiciens savent dire autant que chanter - conduit avec un art consommé de la nuance ; la juvénile fraîcheur et le naturel des interprètes parviendraient presque à faire oublier la chute d’inspiration de l’auteur dans l’Allegretto grazioso conclusif…
Elégance et sens du dialogue distinguent aussi les sept extraits du non moins rare Ruban dénoué que Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud font découvrir à leur auditoire, avant de se lancer dans la version originale de La Valse de Ravel – l’une des pièces favorites des deux artistes lorsqu’ils se produisent en duo. Interprétation prenante, jamais inutilement démonstrative, mue par une force souterraine et menaçante et dont la logique s’impose au moment de la déflagration finale.
Alain Cochard
Deauville, CID, les 24 et 25 avril 2010
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Photo : DR
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