Interprète inclassable, grand défricheur de répertoire, le pianiste anglais Stephen Hough, sous une apparence pince-sans-rire, est souvent là où on ne l’attend pas, se plaisant à jouer au chat et à la souris avec le public. Son programme à l’Auditorium du Louvre est cette fois-ci plus traditionnel, invitant J. S. Bach (Toccata et fugue en ré mineur), Gabriel Fauré (6e Nocturne, 5e Impromptu, 5e Barcarolle), César Franck (Prélude, Choral et Fugue) et Frédéric Chopin (Nocturne en si majeur op 62 n°1 et 3e Sonate en si mineur op 58).

Très orchestral et puissant dans Bach (revu par Alfred Cortot et le soliste lui-même), Stephen Hough sait se faire délicat, subtil, rêveur dans les pièces de Fauré et rend au triptyque de César Franck toute sa souplesse, son équilibre, en différenciant les éclairages avec une fluidité du jeu un peu extérieure sans pour autant négliger l’architecture d’une partition au classicisme transcendé. Sa conception de la musique de Chopin est en revanche très personnelle : le Nocturne oublie le rêve pour se diluer dans une forme d’égocentrisme au demeurant fort voluptueux. L’exécution de la 3e Sonate en si mineur s’avère d’une perfection redoutable à l’image de la technique envoûtante de cet artiste aux doigts ailés. Outre la virtuosité, il fait preuve d’un sens du discours toujours captivant qui, sur le plan stylistique, appelle toutefois des réserves (coquetteries dans le Trio du Scherzo, sophistication du rubato dans le Largo…). Stephen Hough subjugue mais ne convainc pas toujours. Il a toutefois les moyens de sa politique et ne s’en prive pas, quitte à bousculer sans frémir les traditions d’interprétation, flirtant avec le mauvais goût sans tomber dans l’exagération ou la caricature.

Michel Le Naour

Paris, Auditorium du Louvre, 19 mai 2010

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Photo : Grant Hiroshima