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La Chronique de Jacques Doucelin - Comment retrouver la Salle Favart ?
Depuis que Jérôme Deschamps a succédé à Jérôme Savary à la tête de l’Opéra Comique, celui-ci a changé de statut pour redevenir un théâtre national doté par l’Etat d’une subvention confortable. Qui ne s’en réjouirait ? D’autant que la salle Favart s’emploie activement désormais à retrouver ses racines en exploitant à nouveau ce qui constituait son répertoire depuis le XVIIIe siècle sans renoncer à l’étendre grâce à une politique de commande qui vient d’aboutir à la création des Boulingrin, un opéra bouffe de Georges Aperghis d’après la pièce éponyme de Georges Courteline.
Ce faisant, le vieux théâtre fait peu à peu peau neuve grâce à diverses tranches de travaux de rénovation effectués durant la période de fermeture de juillet à octobre. Cintres et espaces publics ont ainsi été refaits sur plusieurs saisons sans interrompre la programmation. L’amélioration du confort est patente sauf sur un point qui revient comme un leitmotiv dans tous les comptes rendus des différents spectacles : l’orchestre – quel qu’il soit et quel que soit le chef – sonne trop fort. Depuis vingt ans diverses rustines ont été posées afin de remédier à ce défaut, notamment une grosse lentille en plastique fixée au plafond : on a renoncé à cette correction en raison de son inefficacité…
Pourquoi ne pas s’attaquer dès lors à la cause elle-même puisqu’elle est très clairement identifiée ? Ce déséquilibre acoustique est, en effet, la conséquence d’une campagne de travaux entrepris dans la fosse d’orchestre voilà un quart de siècle sous l’impulsion du chef Alain Lombard. On a bien supprimé récemment un mur de béton construit en 1950 dans la fosse du Théâtre Gabriel à Versailles afin de retrouver l’état d’origine, pourquoi ne pas revenir à celui de la salle Favart ? Ce serait la meilleure correction acoustique possible.
On ne peut pourtant pas dire qu’on n’aura pas tout essayé ! Pour le retour de Mignon d’Ambroise Thomas dans le lieu de sa création, on a même tenté une expérience sous prétexte d’un retour à ce qui se serait pratiqué dans certains théâtres italiens du XIXe siècle, en disposant les musiciens à l’envers, c’est à dire regardant vers le plateau et non plus vers la salle, tandis que le chef tournait carrément le dos aux chanteurs. C’est d’un pratique pour multiplier les décalages… Et puis, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Mais le problème n’est pas là : le résultat sonore est resté bel et bien inchangé. Vous pouvez mettre les malheureux instrumentistes cul par-dessus tête, la marmite sonore demeure toujours aussi bruyante ! D’ailleurs, la création mondiale des Boulingrin d’Aperghis avec une dizaine d’instrumentistes du Klangforum Wien a même été l’occasion d’une nouvelle expérience radicale qui a constitué, d’une part, à vider la fosse où le chef restait seul face à des musiciens disposés en mur sonore dans des petites cases au fond de la scène, et, d’autre part, à sonoriser les voix des chanteurs qui ressortaient d’autant mieux sur l’accompagnement sonore.
Alors, maintenant que le foyer, les fauteuils de la salle sont remis en état, pourquoi ne pas s’occuper du confort des oreilles des clients ? La fosse doit-elle pouvoir accueillir tous les musiciens requis dans les opéras de Wagner et de Richard Strauss qui n’ont absolument rien à faire à l’Opéra Comique, ou une formation Mozart plus conforme à la transparence exigée par la musique française du XVIIe au début du XXe siècle ? Poser la question, c’est y répondre.
Un peu de courage que diable !
Jacques Doucelin
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Photo : DR
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