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Compte-rendu : Radieuse diva - Anja Harteros au Festival de Saint-Denis
Enfin, voici en France la straussienne idéale du moment - sans oublier cependant la spectaculaire Martina Serafin, Viennoise que Nicolas Joël nous a fait découvrir du temps de Toulouse -, voici une wagnérienne toute en velouté, une mozartienne à la fois puissante et enchanteresse, de Donna Anna à la Comtesse, bref une de ces cantatrices comme il en a plu autrefois de Vienne, Munich ou Berlin, et dont on avait perdu l’habitude. Et surtout voici la verdienne comme il n’en existait franchement plus, combinant la pulsion dynamique, la largeur et la vivacité mélodique, bref voici Anja Harteros, brune soprano germanique aux yeux clairs, dont le carnet de bal très chargé court de Berlin à Munich et au Met. Et l’on ne peut que rendre grâce à Jean-Pierre Le Pavec, aux commandes du Festival de Saint-Denis, d’avoir enfin réparé l’erreur des programmations françaises, notamment dans les maisons d’opéra : car se priver d’Anja Harteros, de son phrasé fluide, de sa grâce charnelle, de la puissance expressive d’une voix qui glisse d’un registre à l’autre sans aucune rupture, et enfin de sa justesse en scène était une erreur grave.
Ici, on l’a applaudie dans les Quatre derniers Lieder de Strauss, étape essentielle dans la prise de possession d’un public. Elle y donné ce qu’on attend de cette œuvre hypnotique: troublée, troublante, à la fois immense dans les développés et délicate dans le retour sur soi, d’une musicalité modelable à l’infini, et portée jusqu’à l’incandescence par un Myung-Whun Chung très inspiré. Et quelle superbe personne que cette femme de trente-huit ans dans tout l’éclat d’une beauté à la fois grave et lumineuse, au goût si parfait qu’il rayonnait même sur sa robe, ce qui n’est pas toujours le cas des chanteuses, Fleming exceptée. Quelle charmante attitude aussi que celle de cette douce diva tirant une fleur de son bouquet pour la tendre au premier violon du Philharmonique de Radio France, Elisabeth Balmas, elle aussi mise en vedette par cette partition qui laisse le violon parler presque autant que la voix. Fort heureusement l’automne parisien permettra de retrouver Harteros, dans des versions de concert d’Otello de Verdi ( 9 octobre) et d’Alcina de Haendel (29 novembre), toutes deux au TCE.
Auparavant, un Mort et Transfiguration très asséné, comme il est souvent d’usage avec le maître coréen, avait permis à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, en pleine forme, il faut le souligner de prendre la mesure de la Basilique. Et celle-ci est complexe. Ainsi, dans la 4e Symphonie de Brahms, qui achevait le concert, il y eut un moment difficile dans la coordination des musiciens et du chef pendant le premier mouvement. Puis le bateau s’y est retrouvé, comme aurait dit Kipling, l’orchestre s’est déployé avec feu, et la IVe a fait vibrer les parois, emportant toute réserve. Certes, l’acoustique du lieu brouille les sonorités, nul n’y peut rien, mais que ces grandes ondes musicales s’envolent et restent coincées sous ces voûtes majestueuses, voilà un sort qui n’a rien de funeste.
Jacqueline Thuilleux
Festival de Saint-Denis, Basilique, 29 juin 2010
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Photo : DR
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