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Compte-rendu : Gluck et les petites filles modèles - Alceste au 62e Festival d’Aix-en-Provence
Gluck a eu heureusement plus de chance que Mozart au Festival d’Aix-en-Provence où son Alceste dans la version parisienne peut se déployer dans toute la majesté propre au professeur de Marie-Antoinette sans que la scénographie ne vienne s’interposer entre lui et le spectateur. Car en dépit de la réforme qu’il a entamée à Vienne, Gluck reste de la génération du père de Mozart et lui aussi mourra comme Léopold en 1787, année de la création de Don Giovanni à Prague, année symbolique du meurtre du père… Il y a à l’évidence un délié, une adéquation avec le sentiment exprimé, un naturel spontané et moderne, une justesse de ton dans la musique de Wolfgang, qui par comparaison flanque un sacré coup de vieux à celle de Gluck.
Pas question de la déprécier pour autant, surtout si l’on songe à la qualité de l’interprétation dont elle bénéficie cet été au Festival d’Aix en Provence. C’est le même orchestre que celui du Don Giovanni, les musiciens baroques de Fribourg au mieux de leur forme à l’exception du corniste, menés avec une sorte de volupté esthétisante par l’Anglais Ivor Bolton. Vous devinez que nous avons ressenti un léger manque de sens de la grandeur et de la tragédie. Côté choeurs, les English Voices confirment la réputation d’excellence des formations d’outre-Manche. Mais aussi leur fantastique disponibilité aux exigences des metteurs en scène. L’Allemand Christof Loy les ramène au royaume de l’enfance et de cruauté chère à la Comtesse de Ségur au regard sans illusion !
Ils ont beau arriver qui avec son doudou, qui sa poupée, qui sa marionnette, qui son chapeau rigolo, qui son globe terrestre bleu, etc…, ils n’en sont pas moins prompts à en découdre entre eux dès que l’autorité des adultes se relâche. Le couple parental est au dessus de tout éloge avec l’Alceste à la fois royale et si humaine de la soprano française Véronique Gens à la voix merveilleusement épanouie et égale sur toute la tessiture, et son Admète d’époux du ténor allemand Joseph Kaiser à l’impeccable prosodie française. Le metteur en scène a modernisé l’attirail mythologique avec des costumes décontractés pour les enfants, plus recherchés pour Alceste, d’abord vêtue d’une robe sortie de quelque déjeuner sur l’herbe avant qu’elle ne porte le deuil d’une stricte robe noire.
La religion aussi s’est actualisée, le Grand prêtre d’Apollon ressemblant comme un frère aux curés d’outre-Rhin pris dans la tempête médiatique que l’on sait… L’allusion prend soudain des proportions plus réalistes lorsque l’abbé se met en devoir de frapper méchamment des enfants récalcitrants, ce qui a déclenché ce soir-là une réaction non moins violente et sonore d’un spectateur visiblement choqué par ce qu’il voyait. C’est le seul faux pas, somme toute véniel comparé aux égarements donjuanesques de la veille…
Le décor unique est simple, presque schématique, mais efficace : il s’agit d’une vaste double porte coulissante qui d’abord laisse deviner la chambre de souffrances où le roi se meurt, puis le temple d’Apollon et enfin les enfers. Ce soir-là, c’est l’oreille qui était au paradis.
Jacques Doucelin
Gluck : Alceste - Théâtre de l’Archevêché, le 6 juillet, puis les 8, 10 et 13 juillet 2010 (à 22h)
08 20 922 923
billetterie@festival-aix.com
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Photo : DR
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