Admirable leçon de violon. Que peut-en faire le 1er Concerto de Chostakovitch ? Rien. Julia Fischer passe au-dessus de l’œuvre de son splendide archet lisse, ignorant combien d’amertume, de révolte, de sarcasme, de déchirement elle survole, peu aidée il est vrai par la direction formaliste de Vladimir Jurowski, si peu précise qu’elle produit sans cesse des décalages dans les interventions des bois.

Parfois, du côté de la soliste, une poésie un peu inquiète fait tendre l’oreille, et dans la cadence on admire sa maîtrise du temps, son art du crescendo, même si ce dernier ne produit guère de tension expressive. C’est au Concerto de Beethoven ou aux classiques que devrait aller la jeune femme, et non aux œuvres clefs du XXe siècle totalitaire.

Est-ce pour mieux dissimuler sa conception biscornue que Vladimir Jurowski donnait à entendre l’ « Héroïque » de Beethoven dans la proposition qu’en fit Gustav Mahler ? Les surprises, d’accents, de doublures, de nuances rythmiques, rendent l’écoute surprenante, comme si le compositeur de la Titan avait superposé à l’orchestre de l’Héroïque la grammaire de celui de la Fantastique. Carambolage flagrant dans un finale frôlant parfois la caricature : on voyait le loup de Tex Avery passer entre les pizzicatos au début du mouvement.



Mais cette relecture, pour instructive qu’elle fût, laissait paraître, flagrante, une absence de conception chronique, fatale pour l’œuvre, qui culminait dans une Marche funèbre incertaine. En « lever de rideau », Jurowski et ses Londoniens avaient ajouté, in extremis (l’orchestre était venu répéter l’œuvre à 18h), la Passacaille de Webern : balance approximative, geste rageur, résultat brouillon. Cela augurait en effet du concert.

Jean-Charles Hoffelé

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 13 novembre 2010

> Programme détaillé et réservations du Théâtre des Champs-Elysées

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Jean-Charles Hoffelé

Photo : DR