Journal
Compte-rendu : Simon Keenlyside en récital - Pépites musicales britanniques
La présence de Simon Keenlyside à Orsay allait de soi : qui d'autre que lui est, en effet, capable de proposer un plein programme de mélodies britanniques, en lien avec le préraphaélisme, mouvement esthétique né dans l'Angleterre de la seconde moitié du XIXe siècle, bientôt à l'affiche du musée ? Personne.
Comme il y a un an au Palais Garnier, le baryton est accompagné par l'irremplaçable Malcom Martineau, lui aussi sur ses terres, poète du clavier constamment inspiré. Pour illustrer musicalement les peintres issus de ce courant tels que John William Waterhouse, Edward Burne-Jones, ou Arthur Hugues, Simon Keenlyside a convoqué John Ireland, Peter Warlock, Percy Grainger et Benjamin Britten, privilégiant après l'entracte Ned Rorem et George Butterworth, un inconnu fauché dans la Somme en 1916 à l'âge de 31 ans. Programme complexe et exigeant, à l'image de son interprète qui passe avec une étonnante facilité d'un univers à un autre, parvenant à camper en quelques mots un personnage, à décrire un paysage, ou à définir une situation. Keenlyside n'a pas son pareil pour traduire d'une voix mâle et sonore la rudesse du marin irrémédiablement appelé par la mer Sea fever de John Ireland, se transformer en enfant craintif perdu dans la nuit Little boy lost de Herbert Howells, ou avouer le plus simplement du monde le transport amoureux d'un homme pour un autre The Sprig of Thyme de Grainger.
Dédié à son ami Dietrich Fischer-Dieskau, le cycle Songs and proverbs of William Blake, composé par Britten en 1965, tout en sonorités dissonantes, en décalages aventureux et en accords obsédants, voix et piano évoluant à contre courant, sans réel dialogue, est un sommet de pénétration intellectuelle et d'intensité émotionnelle qui conduit le chanteur aux frontières de la folie, dans un climat d'exaltation aux limites du supportable. Arrangé par Britten, le célèbre Sweeter than roses de Purcell, vocalisé avec ardeur était suivi par de savoureuses mélodies de l'américain Ned Rorem (né en 1923), dont l'entraînant My papa's waltz, Keenlyside affûtant son timbre et faisant claquer chaque syllabe des poèmes d'Alfred Edward Housmann, mis en musique par George Butterworth (Six songs from a Shropshire lad et Bredon hill and other songs).
Malgré une toux persistante, le baryton accordait deux bis chantés dans un français scrupuleux, d'une voix souple et expressive Le paon et Le grillon, tirés des Histoires naturelle de Ravel, message subliminal pour rappeler qu'il interprétera les 15 et 17 avril prochains Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs-Elysées. Nous y serons.
François Lesueur
Paris, musée d’Orsay, 10 février 2011
> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?
> Lire les autres articles de François Lesueur
Photo : DR
Derniers articles
-
17 Décembre 2024Alain COCHARD
-
16 Décembre 2024Jacqueline THUILLEUX
-
14 Décembre 2024Laurent BURY