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Les Saisons Russes du XXIe siècle au TCE - Rutilant - Compte-rendu
Le rêve continue, même si l’on l’aimerait un peu moins brillant, car les tissus modernes sont plus kitch que le kitch. Mais le travail de missionnaire d’Andris Liepa et de ses amis pour redonner vie à des ballets qui se sont souvent appauvris, ou ont totalement disparu, continue de toucher, de séduire, et de ranimer une période à laquelle on puise toujours. La belle endormie a cent ans, donc, et même un peu plus, puisqu’en 1909 firent irruption à Paris la sensualité, l’opulence, et la violence chatoyante du génie russe.
Certes, dans ce troisième programme des Saisons Russes, n’ont figuré que des ballets ayant eu une existence heureuse, car ils s’inscrivent au répertoire de nombreuses compagnies, mais quel régal de retrouver dans son jus le style tout en légèreté et fluidité de Fokine pour Chopiniana, devenu en 1909 Les Sylphides lors de sa venue au Châtelet. Dans cet adieu à l’idéal romantique, le temps s’est arrêté sur cette vision d’un poète cerné par de doux esprits. Mais les danseurs de la troupe, eux, sont bien vivants, et plus qu’à la vigueur atténuée - rôle oblige - du spectaculaire géorgien Nicolaï Tsiskaridzé, le public a fait fête à quatre ballerines éthérées, aux bras alanguis, signe typique des ballets russes de la première époque : à garder gravées dans nos mémoires, donc, les silhouettes de Marianna Ryjkina Alexandra Timofeïeva, Angelina Vorontseva et Natalia Balakhnitcheva.
Quant à Petrouchka, donné et redonné à l’Opéra, il avait pour immense intérêt de remettre en scène dans le rôle-titre un ancien danseur étoile du Bolchoï à la personnalité singulière, insuffisamment vu à Paris et aujourd’hui adonné à l’enseignement en Italie : Vladimir Derevianko, à la douceur poignante dans un rôle que d’autres signent de façon plus expressionniste. En clou final, les exotiques Danses polovtsiennes du Prince Igor, servaient d’écrin à la superbe Ilzé Liepa, sœur d’Andris, laquelle ondule de façon aussi troublante qu’une aquarelle de Barbier. C’est dire son chic. La chorégraphie a d’ailleurs, il faut l’avouer, été revue pour la mettre en valeur. Entorse à une tradition, peut-être, mais triomphe de la vie qui caractérisa les Ballets de Diaghilev et porte ces Ballets du Kremlin.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 1er avril 2011.
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Photo : Matthias Creutziger
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