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Aldo Ciccolini au Théâtre des Champs-Elysées - Un phoenix du piano - Compte-rendu
A quatre-vingt six ans, Aldo Ciccolini semble défier le temps ; le poids des années n’a pas de prise sur un art pianistique parvenu à une quintessence sans cesse renouvelée. Son récital Mozart-Liszt au Théâtre des Champs-Elysées est à l’image d’une personnalité qui allie la perfection digitale à une imagination créatrice toujours tendue vers un idéal.
L’intelligence dont Ciccolini fait preuve se manifeste d’entrée de jeu par le choix du piano (un Bechstein à la sonorité parfaitement adaptée aux œuvres choisies) dont l’équilibre sur tous les registres, l’égalité de timbre mais également les basses profondes et sans lourdeur entrent en sympathie avec les intentions du soliste. Contemporaines, les deux Sonates de Mozart (K. 331 « Alla Turca » et K. 333) retrouvent, du coup, une légèreté de touche, un style épuré, une souplesse d’intonation et l’esprit d’une musique réinventée sous des doigts habiles et inspirés.
Ce sentiment d’évidence transparaît aussi dans l’exécution des deux paraphrases de Liszt (Danse sacrée et duetto final d’Aïda de Verdi et la Mort d’Isolde de Wagner), pièces que cet interprète a toujours portées au zénith par un sens du chant et une manière naturelle de conduire le discours jusqu’à son paroxysme sans manifester d’agressivité percussive, ni se prêter aux effets de manche. Les trois extraits des Harmonies poétiques et religieuses évitent le travers de la déclamation romantique pour pénétrer au tréfonds de la sensibilité et de la simplicité (Hymne de l’enfant à son réveil). Le foisonnement des émotions affleure (Miserere) pour atteindre une dimension orchestrale sous les trémolos d’octaves et les arpèges sublimés (Invocation).
Les deux bis (la Mazurka en la mineur op 17/4 de Chopin et la Danse espagnole n°5 de Granados) terminent ce concert d’anthologie par une note de mélancolie et une jubilation rythmique dont Ciccolini a toujours eu le secret. Le public, enthousiaste, ovationne debout cet Empereur du clavier.
Michel Le Naour
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 18 mai 2011
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Photo : DR
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