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Kurt Masur dirige Strauss à l’Orchestre National - Du testament au feu d’artifice - Compte-rendu
La vie est bizarre : tel grand maestro, jadis terreur des estrades où il régnait à la force du poignet, se retrouve parfois, le grand âge venu, comme lavé de tout autoritarisme, ne suscitant plus qu’amour de la part de musiciens jadis menés à la cravache. Comme le Français Georges Prêtre, ancien boxeur, l’Allemand Kurt Masur n’était pas un tendre. Comme Janus, le mot exigence a deux visages, l’un positif, l’autre négatif. Avec les années, le premier l’emporte tandis que le second s’estompe. Voilà qui explique la véritable passion que l’Orchestre National de France porte aujourd’hui à son ancien patron Kurt Masur.
Cela a des résultats extraordinaires comme le concert Richard Strauss qu’ils ont donné au Théâtre des Champs-Elysées : un vrai festival en moins de deux heures. Le vieux maître a préféré remonter le temps en partant du testament de 1945, les Métamorphoses pour orchestre à cordes dont les entrelacs composent un thrène qui se déroule comme en apesanteur. Comme chez Bach, la polyphonie est ici l’alliée et non l’ennemie de la clarté dans cette ruche sonore où chaque instrument est soliste à son tour. Après la prière, sied le silence de l’entracte.
La seconde partie de la soirée nous ramène à la veille du premier conflit mondial avec le voluptueux trio de la scène finale du Chevalier à la rose. Grâce aux voix joliment enlacées de Valentina Farcas (Sophie), Cornelia Ptassek (la Maréchale) et Andrea Hill (Octavian) l’amour s’éternise pour le bonheur du maestro et de la salle. L’adoration de la femme n’est pas la seule source d’inspiration de Richard Strauss et Kurt Masur tient à terminer sur une pirouette brillantissime avec les espiègleries de Till. Rarement, orchestre se sera à ce point impliqué dans le jeu de fusées de ce génial feu d’artifice. Chaque pupitre a à cœur de répondre aux souhaits de son chef : à travers chacune de ses individualités, un orchestre se révèle dans toute sa richesse et sa réactivité. Une vraie grande soirée de musique.
Jacques Doucelin
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 24 novembre 2011 (concert retransmis en direct par France Musique)
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