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Le Ballet de Flandre danse William Forsythe - Les dangers de la sacralisation - Compte-rendu
En premier lieu, honneur au Ballet de Flandre : une troupe classique splendide, dont on découvre enfin à Paris, sur une durée correcte, la perfection formelle, l’élégance des lignes, la rigueur des ensembles : il est vrai qu’elle est dirigée par une battante, l’australienne Katryn Bennetts, et menée rondement par des maîtres de ballet qui ne pactisent pas avec le style. La compagnie, sur le fil du rasoir depuis quelques années, semble survivre à la bourrasque qui a secoué la Belgique et plus précisément sa propre existence, pour cause de budget en peau de chagrin. Car elle peut incontestablement, avec des danseurs tels que le couple vedette Aki Saito et WimVanlessen, se permettre une affiche aussi exigeante que diversifiée. A son répertoire, des pièces comme Oneguine de Cranko, la Belle au bois dormant ou des œuvres du new-yorkais Forsythe, présentées ici. Car Katryn Bennetts, après avoir été longtemps le bras droit de Forsythe à Stuttgart, fait aujourd’hui vivre en pasionaria l’héritage du chorégraphe.
L’histoire de Paris et de la France avec Forsythe est aussi forte que celle vécue avec Pina Bausch. Il bénéficia d’un lancement prodigieux, en 1987, avec In the Middle, somewhat elevated, créé pour le légendaire quatuor de l’Opéra de Paris : Sylvie Guillem, Isabelle Guérin, Laurent Hilaire et Manuel Legris au meilleur de leur splendeur ! D’emblée, son chef d’œuvre, sa marque de fabrique. On se passionna pour cette éthique de la démesure et de la dérision, à califourchon sur les bases classiques menées à leur extrême dans les détournements et étirements du corps, et la décontraction des mouvements créés par la danse américaine, avec son goût pour le non sens un rien dada. L’état de choc se maintint ensuite avec des pièces qui firent le tour du monde, tels Impressing the Czar, et Artifact, tous deux présentés cette fois à Chaillot, très attaché à cette collaboration. Mais aujourd’hui, alors que Forsythe travaille avec une plus petite compagnie itinérante, que sont nos ires devenues ?
Bizarrement, l’insolence du propos, devenu en quelque sorte patrimonial, paraît vidée de sa sève, l’effet de mode est passé, les trucs tels ces personnages qui déambulent en répétant des litanies de mots à l’infini, ces tombés de rideaux anarchiques, comme du zapping, paraissent bien obsolètes. Admirable, comme toujours, grâce à une écriture impeccable, et un sens plastique indéniable, mais un peu moins agaçant, et c’est finalement dommage. Reste une sorte de Balanchine moderne, dont la virtuosité des artistes du ballet de Flandre fait ressortir le classicisme, et qui joue de Bach et de sa Chaconne en ré mineur comme le maître du New York City Ballet se glissait dans Stravinski, ce qui n’est pas rien.
Mais la notion de la mise en danger du corps et de son équilibre, qui faisait le chic et le choc de « Bill », comme le public le nomma vite, et tenait le spectateur en haleine, s’est stabilisée dans la jungle des formes. Alors que la qualité intrinsèque des danseurs flamands est bien supérieure à celle de la compagnie de Forsythe à sa grande époque de Francfort. Reste à admirer les prouesses des interprètes, inouïes de précision et de légèreté, et déroulant une sorte de polyphonie des mouvements qu’on admire sans en être véritablement ému. On attend avec intérêt la reprise d’Impressing the Czar, dans lequel figure le mythique In the middle, somewhat elevated, pour voir si le vrai Forsythe peut émerger de cette excellence qui le statufie. Il faut que les chorégraphes, décidément, cravachent leurs créatures et leur soufflent la bonne direction, pour les animer.
Jacqueline Thuilleux
Paris - Théâtre National de Chaillot, le 24 novembre, prochaines représentations Impressing the Czar, par le Ballet Royal de Flandre jusqu’au 10 décembre 2011. Sider, par The Forsythe Company, du 15 au 17 décembre 2011. http://theatre-chaillot.fr/
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Photo : DR
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