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Portrait baroque - Johann Christian Bach (1735-1782) - Le bon génie du style galant
Après l’Opéra Royal de Versailles il y a peu, la rare tragédie lyrique Amadis de Gaule de Johann Christian Bach occupe la scène de l’Opéra Comique du 2 au 8 janvier 2012, dans la mise en scène et Marcel Bozonnet et sous la direction de Jérémie Rhorer à la tête de son Cercle de l’Harmonie, avec Philippe Do, Hélène Guilmette, Allyson McHardy, Franco Pomponi et Julie Fuchs pour les rôles principaux. Une occasion de faire plus ample connaissance avec la personnalité singulière et attachante du dernier fils Bach.
« Vous savez certainement que le Bach de Londres est mort, quelle perte pour le monde musical ! » Venant de Mozart qui s'y connaissait en talents et appréciait également l'homme et l'artiste (« qui savait rendre justice à autrui ») chez l'Allemand, le jugement tourne au compliment rare. Dernier-né de la fratrie Bach, Johann Christian, bon génie du style galant, fut un esprit européen, formé à l'école italienne (via le padre Martini), en contact étroit avec l'école de Mannheim, ce foyer de la symphonie, et enfin très actif dans la vie musicale londonienne, s'y révélant l'héritier de Haendel autant que le précurseur du Salzbourgeois.
Au nom du Siècle des Lumières
Dans ce foisonnement créatif, le beau portrait peint par Gainsborough est un symbole. Un gentleman a posé là, au nom du Siècle des Lumières et peu avant l'opéra Amadis de Gaule créé en 1779 à Paris et jamais repris depuis lors en France. Il s'agit pourtant de l'unique ouvrage écrit en français par un membre de la dynastie Bach. Un chef-d'oeuvre enfin réveillé par l’Opéra Royal de Versailles et l’Opéra Comique et qui humanise la figure du paladin Amadis, démarqué du roman de chevalerie fameux de l'Espagnol Montalvo (1508) et gagnant à l'exhumation une aura préromantique.
Quelques points d'histoire
Né à Leipzig en 1735 de la seconde épouse du Cantor, Anna-Magdalena, Johann Christian eut pour principaux professeurs ses demi-frères Wilhelm Friedemann et surtout Carl Philipp Emanuel à Berlin, après la mort de son père. En 1756, à 21 ans, il gagna l'Italie, parachevant sa formation, comme déjà dit, auprès du Padre Martini et se convertissant au catholicisme. Organiste à Milan, il connut dans le même temps ses premiers succès d'opéras à Turin et Naples, avant de commencer une flatteuse carrière lyrique à Londres, compositeur attitré du King's Theatre, entre autres, et également impresario (le cycle des Bach-Abel Concerts par abonnements). Epoux de la célèbre cantatrice Cecilia Grassi, il composa aussi plusieurs opéras pour la cour de l'Electeur palatin à Mannheim. Mais sa santé s'altéra brusquement et il mourut prématurément le 1er janvier 1782, harcelé par les créanciers, au point que c'est la Reine (il était professeur de musique des enfants royaux) qui paya les frais de ses funérailles.
La querelle de l’Amadis
Au printemps 1778, le Paris musical est en effervescence, où s'opposent les inconditionnels du drame musical imaginé par Gluck et les partisans du grand opéra italien incarné par Piccini. Pour tenter de calmer le jeu, le nouveau directeur de l'Académie royale de Musique, Anne-Pierre-Jean Devismes du Valgay, a l'idée d'introduire un troisième concurrent dans la compétition: en l'occurrence Johann Christian Bach dont les opéras italiens triomphent chez nos voisins depuis une quinzaine d'années et dont la production instrumentale (sonates, symphonies, concertos) est bien connue et appréciée des Parisiens depuis le milieu des années 1760. Pressenti, Johann Christian accepte sans difficulté d'écrire un opéra pour les Français, à condition d'en choisir lui-même le sujet, optant pour le roman Amadis de Gaule dont une nouvelle traduction en français vient d'être favorablement accueillie au début de 1779. Hélas, cet Amadis, créé le 14 décembre de la même année, sera un échec. Un échec dont la responsabilité fut alors imputée au livret d’Alphonse-Denis-Marie de Vismes du Valgay (inspiré de Philippe Quinault), et non à la musique qui fut fort applaudie, mariant, d'après la critique, « l'énergie à la grâce » et la beauté de l'harmonie à la richesse de l'orchestre. Des arguments toujours valables aujourd'hui où le retour aux fils Bach a changé très heureusement notre vision des grâces du style galant, pressentiment du classicisme.
Epitaphe pour un portrait
Johann Christian fut un musicien chéri des Muses et dont la diversité d'humeurs triompha tant au sanctuaire (le Dies irae à double chœur) qu'à l'opéra (Catone in Utica, Orione, Zenaïda, La Clemenza di Scipione et à Mannheim, Temistocle et Lucio Silla). Sans doute, a-t-il beaucoup écrit, mais sous cette facilité apparente, se cachent profondeur et passion, des sentiments étayés par un style et un métier très sûr et une riche palette acoustique. Et il y a aussi ses symphonies où, si j'ose dire, Mozart rencontre les préromantiques, outre des pages débordantes de sensualité, d'ivresse mélodique et rythmique, ou le suspense expressif de telle sonate (ex. Sonate pour clavier en ut mineur op 5 n°6) ou concerto. Bref tout le contraire d’un petit maître, dont les contraintes tenaient dans cette confidence à un ami : « Mon frère Carl Philipp Emanuel vit pour composer et moi je dois composer pour vivre ».
Roger Tellart
J.C. Bach : Amadis de Gaule
Du 2 au 8 janvier 2011
Paris - Opéra Comique
www.opera-comique.com
Photo : DR
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