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La Cerisaie de Philippe Fénélon au Palais Garnier - La guigne - Compte-rendu
C’est la seconde création mondiale inspirée de l’univers russe à l’Opéra de Paris. Après Akhmatova de Mantovani la saison dernière, voici La Cerisaie de Philippe Fénelon. L’une comme l’autre sont plombées par la pauvreté de leur livret. Rapetisser, dénerver à ce point l’un des chefs-d’œuvre du théâtre russe, il fallait le faire, comme on dit ! Donc exit Tchekhov. Reste la petite musique de Fénelon et la mise en scène de Georges Lavaudant. Au total une morne soirée où il ne se passe pas grand chose, mais où l’on s’ennuie ferme.
Le compositeur français né en 1952 connaît son orchestre : il en est à son quatrième opéra et c’est la deuxième commande de l’Opéra de Paris après Salambô. On est frappé par le continuum orchestral marqué au sceau d’une modernité assez datée (fin XXe siècle) et surtout répétitif dans ses effets aux percussions et aux cuivres, ce qui accentue encore le défaut d’action. A part un bref coup de chapeau au Saint François d’Assise de Messiaen et la citation d’un cancan qui se voudrait endiablé, mais s’enlise vite dans la grisaille générale, on ne s’éloigne guère d’une toile de fond sonore sur laquelle viennent s’imprimer les voix solistes.
Le problème, c’est que celles-ci semblent sorties d’un siècle plus ancien encore où Claude Debussy dont on fête cette année le cent cinquantenaire de la naissance, ferait figure de dangereux révolutionnaire. Alors que le librettiste – un certain Alexei Parine – prétend ne rien raconter, nous sommes pris dans le ronron d’un récitatif monocorde et continu à l’exception de quelques « airs » rappelant ces arias de virtuosité du XIXe siècle. Est-ce la contagion de la langue russe, ce qui explique que l’œuvre ait d’abord été créée au Bolchoï en version de concert ? Mais on songe souvent à Moussorgski, la veine épique en moins. Les chœurs de l’Opéra sont assez bien préparés.
La distribution, russe à quatre exceptions près, est vocalement satisfaisante. Comme il sied au Bolchoï, ténors et basses sont excellents et les dames aussi pour peu qu’on ne les sollicite pas trop haut dans l’aigu : comme Mme Jourdain, ou plutôt comme Jules Massenet, autre joyeux centenaire, Philippe Fénelon connaît son monde lyrique… Les rôles de jeunes enfants et de vieux serviteurs sont confiés à des femmes. Ravel n’a pas fait autrement.
Le problème est que cette quinzaine de chanteurs évolue au milieu d’un décor dont les éléments, pour l’essentiel des canapés, des fauteuils et des chaises, sont déménagés selon un rituel qui nous échappe, par des exempts costumés. Car Georges Lavaudant n’a même pas tenté d’esquisser une dramaturgie comme s’il n’avait pas lui non plus de souvenir de la pièce de Tchekhov : on chante assis ou la main sur le cœur, ce qui ne risque pas de moderniser le spectacle.
Un personnage rêve-t-il d’une valse, d’une polka ou d’un fox-trot, arrive comme une mécanique sur pointes, une ballerine qui traverse la scène en accentuant encore le dénuement. Car si vous espérez apercevoir un malheureux cerisier en fleurs, vous en serez pour vos frais ! Le décorateur Jean-Pierre Vergier a, en effet, imaginé de monstrueux baobabs en peau d’éléphant, dont la stérilité pourrait servir d’emblème à la soirée.
Jacques Doucelin
Philippe Fénelon : La Cerisaie (création scénique mondiale) – Paris, Palais Garnier, le 30 janvier, puis les 2, 5, 7, 10 et 13 février 2012
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Photo : Opéra national de Paris / Andrea Messana
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