Leon Fleisher est déjà entré dans la légende. A plus de 83 ans, ce pianiste hors pair héritier d’Artur Schnabel, stoppé en pleine gloire par une affection paralysante, a su triompher de la difficulté en diversifiant son activité entre pédagogie, direction d’orchestre et répertoire pour la main gauche. S’il a retrouvé ses moyens digitaux, c’est à la tête du Philhar en formation réduite qu’on le retrouve salle Favart dans un programme uniquement consacré à Mozart.

Pour l’événement, il se joint à deux disciples (François-Frédéric Guy et Alon Goldstein) dans le Concerto pour trois pianos et orchestre n°7 du Divin Amadeus, dirigeant depuis le clavier. La complicité qui unit les trois interprètes relève du pur plaisir : la poésie, l’homogénéité des sonorités sont partagées par les musiciens de l’orchestre, ravis de vivre un moment d’échange à l’image de ces académies d’antan où la convivialité l’emportait sur la performance. Soliste du Concerto n°21 en ut majeur, François-Frédéric Guy adopte un ton classique, précis, d’une constante musicalité, bénéficiant de l’accompagnement de Fleisher, attentif et libre aussi. Les cadences de Marc Monnet dans les mouvements extrêmes, d’une écriture brillante, introduisent un élément volontairement perturbateur et décalé dans cet univers où tout semble couler de source. La Symphonie « Haffner » est jouée à l’ancienne sans recours aux pratiques « historiquement informées ». Pourtant, le courant passe avec un naturel, une simplicité qui est aussi celle de la gestique du chef, primus inter pares, qui appelle la musique à la rescousse à la manière jadis d’un Pablo Casals. La joie se lit sur les visages dans un bonheur partagé.

Michel Le Naour

Paris, Opéra-Comique, 11 février 2012

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Photo : DR