A mille lieues de la tradition de l’opérette viennoise de l’entre-deux-guerres, La Veuve joyeuse de Franz Lehar (1905) mise en scène par Jorge Lavelli bénéficiait lors de sa présentation en décembre 1997 de la direction souple et souriante d’un Armin Jordan au meilleur de sa forme. La reprise du spectacle ne se situe pas sur les mêmes cimes : la responsabilité incombe en grande partie à la baguette d’Asher Fisch. Cet ancien assistant de Barenboïm à la Staatsoper de Berlin plombe le spectacle par sa difficulté à transmuer les notes de musique en champagne, multipliant les décalages, les départs imprécis et couvrant les chanteurs.

La réalisation scénique s’avère également moins soutenue et moins rythmée. Le langage de Lavelli se retrouve toutefois à travers de grands moments de théâtre (le cancan final), le jeu avec les rideaux et les étoffes, les pas de danse esquissés et subtils dans les décors à la sombre tonalité d’Antonio Lagarto.

Côté voix, la Hanna de Susan Graham, sans posséder l’abattage de celle de Karita Mattila, s’exprime dans un registre assez proche de celui de la comédie musicale américaine. Elle fait de la Veuve un personnage moins haut en couleur mais d’une suprême élégance. Bo Skovhus conserve, quinze ans après, la même aisance en Danilo, valseur et intrigant de grande classe, dont le chant s’est à peine élimé. Le reste de la distribution se révèle de la même veine avec le Camille de Daniel Behle aux aigus faciles et la Valencienne d’Ana Maria Labin, espiègle à souhait. On retrouve avec plaisir Franz Mazura (88 ans), acteur né dans le rôle de Njegus, conseiller d’ambassade complaisant. Le vieux Baron Mirko Zeta de Harald Serafin est d’une naïveté à ravir.
Gros succès public : les sortilèges de La Veuve joyeuse opèrent toujours.

Michel Le Naour

Lehar : La Veuve joyeuse – Paris, Palais Garnier, 8 mars
Prochaines représentations les 14, 16, 19, 22, 26, 29 mars et 2 avril 2012

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Photo : Opéra national de Paris/ Julien Benhamou