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3 questions à Martial Di Fonzo Bo, metteur en scène - « Avec Mozart, la musique raconte toujours autre chose que le livret »
Metteur en scène de la nouvelle production du Cosi fan tutte que Christophe Rousset vient de diriger à l’Opéra de Dijon, l’Argentin Martial Di Fonzo Bo a répondu aux questions de Concertclassic. Un point de vue peu conformiste sur le dernier volet de la Trilogie Da Ponte.
La musique de Cosi n'est pas directement liée à l'action. C'est une sorte d'oratorio de l'amour, intervenant un peu comme un commentaire sentimental. Est-ce que c'était une difficulté supplémentaire pour le mettre en scène ?
Martial Di Fonzo Bo : Oui. On sait très bien que c'est un livret assez plat, c'est connu. Il ne s'y passe pas grand chose et c'est de plus un opéra franchement misogyne. Or aujourd'hui si les femmes sont toutes les mêmes, les hommes ne sont pas forcément mieux. Je me suis donc amusé à essayer de rééquilibrer les rapports hommes-femmes en tournant ces messieurs un peu plus en ridicule. Comme c'est un opéra sur les faux-semblants, l'idée d'un théâtre dans le théâtre dans lequel on voit les coulisses et où chacun voit l'autre se mettre en scène me paraissait fonctionner. Avec le décorateur, nous avons donc ajouté quelques éléments un peu kitsch, comme les flamands roses, pour accentuer la dimension ironique. Mais avec Mozart, ce qui est passionnant, c'est que la musique ne raconte jamais la même chose que ce qui est écrit dans le livret. Elle s'inscrit souvent comme un commentaire effectivement, et même souvent un commentaire plutôt ironique. Je me suis donc davantage basé sur la musique.
Vous rythmez beaucoup les situations par le jeu d'acteurs, mais la mise en scène se fait plus discrète lors des airs et des ensembles. Vouliez-vous mettre en scène différemment le chant proprement dit ?
M. D. F. B. : Les ensembles de Cosi et les grands airs de Fiordiligi ou Ferrando sont tellement beaux que je n'avais rien à y apporter. Je voulais justement que ces passages restent des moments en suspension, en restant je crois fidèle à l'esprit de la partition. Je voulais laisser la musique s'exprimer. Il y a un temps où tout le monde joue à l'amour, et il y a un temps où les personnages le ressentent au plus profond d'eux-mêmes. C'est pour ça que je voulais que le décor lui aussi s'amenuise peu à peu pour que les masques tombent et qu'on parvienne à une forme de dénuement. Il y a un premier acte où tout est en mouvement comme les sentiments, avec beaucoup de changements de décors, et un deuxième acte davantage dans l'introspection. C'était une façon de laisser la vérité se former dans la musique, et de ne surtout pas chercher à énoncer un message. Je trouve cette fin de Cosi tellement horrible ! Ce sont à nouveau les femmes qui doivent se plier aux désirs des hommes. C'est épouvantable !
C'est votre deuxième opéra avec Christophe Rousset. Avez-vous d'autres opéras en projet avec ou sans lui ?
M. D. F. B. : C'était une grande chance de pouvoir travailler ensemble sur le grand plateau de l'Auditorium de Dijon. Je n'aurais jamais pu imbriquer les situations à ce point si nous n'avions pas été sur la même longueur d'onde. Pour le moment, nous n'avons pas de projet en commun. Mais nous avons les mêmes centres d'intérêt musicaux. J'aime davantage la musique avant Mozart comme Purcell ou Monteverdi plutôt que celle d'après. Et pour rien au monde, je ne voudrais monter du Wagner !
Propos recueillis par Luc Hernandez, le 18 mars 2012
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Photo : Gilles Abbeg
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