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Coup de cœur Carrefour de Lodéon & Concertclassic - La musique en partage - Jérôme Pernoo, violoncelliste et membre fondateur du Festival de Pâques de Deauville
Parmi les plus beaux archets du violoncelle français, Jérôme Pernoo est un artiste complet, passionné de musique de chambre. Rien d’étonnant à ce qu’il ait été en 1997 à l’origine du Festival de Pâques de Deauville, aux côtés de Nicholas Angelich, Renaud Capuçon ou Jérôme Ducros. Depuis lors, la manifestation normande n’a cessé de mettre le pied à l’étrier à de jeunes musiciens et s’impose comme une irremplaçable pépinière de nouveaux talents. Jérôme Pernoo n’a pas manqué une seule édition du Festival depuis sa création. Pour Concertclassic il se remémore ses débuts, tandis qu’approche l’ouverture (le 14 avril) d’une 16ème édition où il retrouve l’un de ses partenaires de prédilection, le pianiste Jérôme Ducros
Dans quel contexte et quel état d’esprit vous êtes vous lancé, avec quelques amis musiciens, dans l’aventure du Festival de Pâques de Deauville ?
Jérôme PERNOO : Nous étions à peu près tous issus du Conservatoire de Paris ou en train d’y terminer notre cursus, nous avions à inventer notre métier de musicien. Nous sentions que les choses n’étaient pas forcément telles qu’on les faisait avant ; nous n’étions pas complètement façonnés par l’idée d’une carrière de soliste mais plutôt dans l’envie de partager la musique. La période marquait le début d’un engouement pour la musique de chambre.
Etait-ce aussi l’expression d’un manque de pratique de ce répertoire durant vos études au Conservatoire ?
J.P. : On faisait il est vrai moins de musique de chambre au Conservatoire à mon époque qu’aujourd’hui. La musique de chambre a depuis pris beaucoup d’importance dans le milieu musical, dans la programmation de concerts en général ; cet essor est relatif au besoin de partager la musique, de ne pas faire son chemin en solitaire, de goûter le « génie » des autres. C’est dans cette optique-là que tout a démarré et je me suis tout de suite régalé de la manière de jouer d’un Jérôme Ducros, d’un Renaud Capuçon, d’un Nicholas Angelich… Je garde un merveilleux souvenir d’un Quintette « La Truite » que nous avions donné, avec Laurent Verney à l’alto et Benjamin Berlioz à la contrebasse.
Et vous avez donc tous essuyé les plâtres d’un festival de musique de chambre à Deauville…
J.P. : Nous ne savions pas où Yves Petit de Voize (le directeur artistique du Festival de Pâques, ndlr) nous emmenait ; c’est lui qui a fusionné tout cet ensemble de musiciens. Un beau jour il nous a annoncé : « ça y est, j’ai trouvé une salle idéale pour vous, c’est une salle de vente de chevaux à Deauville. » Au départ nous avons cru à une blague d’Yves ; en fait il n’en était rien. Nous sommes partis à Deauville avec nos instruments et nous avons fait quelques notes dans cette Salle Elie de Brignac(1), où le Festival revient d’ailleurs cette année après en avoir été momentanément privé en raison de travaux. C’est un lieu absolument merveilleux pour la musique de chambre, avec une relation public/scène idéale – les gens ne sont pas trop loin, mais la salle à tout de même une bonne jauge. Nous étions une équipe de musiciens de la même génération, impatients de jouer les grandes œuvres du répertoire, nous avions une salle, le maire de Deauville, Philippe Augier, soutenait avec enthousiasme notre projet : le cocktail ne pouvait que fonctionner !
Vous êtes revenu tous les ans au Festival de Pâques depuis son lancement. L’équipe des musiciens s’est beaucoup étoffée au fil du temps ; comment cela s’est-il déroulé ?
J.P. : Très naturellement. Durant les premières années nous étions entre nous, à sept ou huit musiciens, et puis, peu à peu, l’équipe a grandi. Nous avions besoin de nouveaux instrumentistes pour monter de nouveaux programmes et nous sommes allés les chercher parmi les jeunes. Très vite nous sommes devenus parrains d’une nouvelle génération, qui en a elle même parrainé une autre et ainsi de suite. Nous avons toujours fonctionné par cooptation et, de ce point de vue, l’ «Août musical de Deauville » (2), né un peu plus tard que le Festival, est important. C’est l’occasion d’y «tester » les jeunes musiciens, de les voir à l’œuvre ; c’est une sorte d’ « antichambre » du Festival de Pâques.
Et puis, les années faisant, je me suis retrouvé professeur au Conservatoire de Paris. C’est évidemment l’une des meilleures places pour repérer des instrumentistes talentueux. Cette année, l’un des mes élèves, Bruno Philippe, un extraordinaire jeune violoncelliste, fera par exemple ses premières armes au Festival de Pâques.
Le Festival qui approche va vous donner l’occasion de jouer avec Jérôme Ducros, l’un de vos partenaires de prédilection…
J.P. : La collaboration avec Jérôme est ancienne car nous nous connaissions avant la naissance du Festival. Nous jouons toute l’année en duo, mais ce rendez-vous de Pâques nous a permis d’aborder tout le reste du répertoire ensemble – un travail qui nourrit l’activité de notre duo et vice versa. Nous n’avons jamais fait de différence entre ce qu’est un soliste et un chambriste. Un musicien doit être un musicien complet qui joue dans des styles très différents (je joue pour ma part aussi sur instrument baroque) et avec des formations différentes. Le but principal pour moi comme pour Jérôme est de transmettre la beauté des œuvres, de nourrir des auditeurs qui ont envie de ça, mais aussi de conquérir un public qui se sent parfois un peu extérieur à la musique classique. Par un abord un peu plus simple de la qualité de musicien on peut arriver à faire venir au concert des gens qui n’en avaient pas forcément le projet au départ.
Cette année à Deauville nous jouerons (3) le 1er Quatuor avec piano de Fauré (avec Alexandra Soumm, violon et Adrien Boisseau, alto, ndlr) et des morceaux du même auteur pour violoncelle et piano (Elégie, Papillon, Romance). Nous interprétons souvent ces pièces et pourtant ce sera l’une des première fois que nous jouerons en duo au Festival de Pâques, ce qui démontre que le groupe y a toujours été plus important que le duo.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 28 mars 2012
(1)La Salle Elie de Brignac accueille en effet les fameuses ventes de yearlings de Deauville.
(2) La 11ème édition de l’«Août musical » de Deauville se tiendra du 27 juillet au 10 août 2012
(3) Jérôme Pernoo et Jérôme Ducros se produisent au Festival de Pâques le dimanche 22 avril (à 11h 30), mais on retrouve aussi le violoncelliste le 28 avril (à 20h) au sein du septuor à cordes qui interprète les Métamorphoses de Richard Strauss.
16ème Festival de Pâques de Deauville
Du 14 au 29 avril 2012
Salle Elie de Brignac (pour tous les concerts, à l’exception de la soirée inaugurale du 14 avril à 20h - L’Heure espagnole de Ravel –, et du récital d’Alphonse Cemin « Le clavier dans tous ses états », le 28 avril à 14h, donnés au Théâtre du Casino Barrière)
Infos : www.musiqueadeauville.com
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Photo : DR
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