Journal
Zanaida de Jean-Chrétien Bach à Vienne - Pragmatisme musicologique
Initiée l’an passé aux Bachfest de Leipzig, commanditaire du projet, la réhabilitation de Zanaida par Opera fuoco est passée par la Cité de la musique à Paris, puis par les planches du Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines, où l’ensemble a sa résidence, avant la création viennoise, en version de concert ce soir au Konzerthaus. La spécificité de l’approche de David Stern (photo) tient à la fois dans son ouverture à un large répertoire, du baroque jusqu’au romantisme, loin des querelles de chapelle, mais aussi dans la promotion de jeunes chanteurs – une sorte d’académie sans les contraintes d’une structure rigide.
Cette liberté à l’égard des dogmes établis s’entend de manière éclatante dans le travail réalisé sur la partition du Bach de Londres, entre style galant et Sturm und Drang, contenant les semences de la première maturité de Mozart. Il a été procédé à d’adroites coupures, afin de ramener l’ouvrage à un format acceptable pour le public d’aujourd’hui – et condenser l’intrigue. Le résultat dépasse ainsi l’intérêt archéologique d’une telle redécouverte. L’orchestre affiche une belle consistance, mettant en valeur l’enrichissement novateur des parties de bois qui colorent certains airs – en particulier celui, magnifique, de Zanaida, qui referme le deuxième acte, « Parto, addio », tout en demi-teintes déjà préromantiques. David Stern fait preuve d’une constance équilibrée dans l’énergie qu’il impulse à l’ensemble, privilégiant, plutôt qu’une improbable et périlleuse restitution historique, une pragmatique vraisemblance esthétique à la viabilité plus certaine – et plus gratifiante en fin de compte pour le spectateur.
Restés, pour la plupart, fidèles à leurs rôles au fil de la tournée, les interprètes forment presqu’une troupe. Sara Hershkowitz incarne une Zanaida émouvante, à la fois lumineuse et fragile, allégeant ses vocalises avec une musicalité sympathique. De sa voix charnue, Clémentine Margaine évite la caricature androgyne pour Tamasse, dont la partie dramatique sollicite le corps de la tessiture. Chantal Santon, Roselane à l’intonation franche, contraste avec l’Osira plus corsée de Vannina Santoni. Daphné Touchais compose un Cisseo vivant et nuancé, auquel répond la Silvera d’une blonde légèreté de Julie Fioretti. On retrouve une certaine clarté dans le Mustafa de Pierrick Boisseau tandis que Majdouline Zerari affirme une Aglatida présente. Jeffrey Thompson, Gianguir, quant à lui, ne se départit pas toujours de certaines tensions dans l’émission. Les interventions du chœur, enfin, sont assurées, selon l’ampleur musicale et dramatique du tutti, par une partie ou l’ensemble des solistes eux-mêmes.
Malte sera la prochaine escale de cette Zanaïde, en janvier 2013.
Gilles Charlassier
J.C. Bach : Zanaida – Autriche, Vienne, Konzerthaus, 3 juin 2012
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Photo : DR
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