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Aventureuses « Traversées » - Une interview de Paul Fournier, directeur de l’Abbaye de Noirlac
Centre culturel de rencontre, situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Bourges, l’Abbaye de Noirlac se lance à partir du 23 juin et jusqu’au 21 juillet dans ses “Traversées”. Cinq samedis d’affilée des musiques de tous styles, d’autres disciplines artistiques aussi, se rencontrent et dialoguent au fil d’une stimulante et inventive programmation. Directeur de l’Abbaye de Noirlac, Paul Fournier répond à Concertclassic.
Quel est le profil général de l’édition 2012, des changements importants sont-ils intervenus par rapport à l’an passé ?
Paul Fournier : Pas sur la forme, ni sur le fond. Depuis trois ans nous creusons le sillon en restant fidèles à un format sur cinq samedis, chacun comportant trois propositions artistiques dont deux concerts et un « duo singulier » - où l’on se situe plus dans des logiques performatives que dans un concert véritable. La position du « duo singulier » entre les deux concerts permet d’éviter un ensemble trop compact et c’est une formule que le public apprécie.
Chaque samedi est un traversée ; chaque concert est une traversée. Le mise en présence d’esthétiques différentes, parfois d’expression artistiques différentes, d’époques différentes donne naissance à un objet artistique nouveau. Il ne s’agit en rien de faire du patchwork ou du croisement ; les artistes que nous invitons ont tous en commun de faire de ces mises en présence d’univers artistiques différents un réalité esthétique. Il y a une nécessité pour eux de provoquer ces rencontres.
Des compositeurs, des thèmes saillants se dégagent-ils de l’édition 2012 ?
P. F. : Dans la programmation très ouverte que nous présentons, il est nécessaire d’avoir des balises, des points de repère qui permettent de faire en sorte que la traversée se déroule bien pour l’ensemble du public. Noirlac mise sur la curiosité de celui-ci. Beaucoup de festivals jouent la carte de la spécialisation, comme si le public n’était capable d’écouter qu’un seul genre de musique. Je fais le pari exactement inverse et les études que nous avons pu réaliser valident ce choix ; les gens ne viennent pas pour entendre des œuvres qu’ils connaissent déjà, mais d’abord pour découvrir des choses qu’ils ne connaissent pas. Parmi les repères de la programmation de cette année, on trouve des symphonies de Beethoven, par Anima Eterna entre autres, et Bach par Damien Guillon, un chanteur que je suis depuis longtemps.
La fidélité est d’ailleurs l’une des caractéristique de la programmation de Noirlac …
P. F. : Accueillir un artiste ou une équipe artistique plusieurs années de suite est une chose très payante. Nous avons ainsi travaillé pendant trois ans avec Michel Godard et je me souviens de la réflexion d’une auditrice, pas du tout une spécialiste, qui me confiait : « Michel Godard fait un peu partie de moi désormais ». La fidélité offre aux artistes une visibilité sur la durée ; c’est important pour eux, mais aussi pour le public qui apprend à entrer dans leur univers, qui dispose là d’un autre type de repère que les noms des grands compositeurs. Nous démarrons une collaboration avec Guillaume de Chassy : il a enregistré son album « Silences » à Noirlac à l’automne passé - un disque très bien reçu par la critique - et fera trois concerts cette année. Guillaume ressemble à Noirlac ; il est capable d’écouter le monument, de le prendre en compte dans son travail. Il s’empare de la matière spirituelle qui lui est offerte par ce lieu. Il fera un concert de présentation de son disque, mais participera aussi à deux « duos singuliers », l’un avec le comédien Philippe Lebas, l’autre avec une danseuse de flamenco : Ana Yerno. Et nous avons des projets avec Guillaume pour 2013 et sans doute 2014.
Quels temps forts se dégagent de la programmation 2012 ?
P. F. : Je pense que le concert de Pierre Henry, le 14 juillet, constituera un événement. Pierre Henry fait peu de concerts « de chambre ». A Noirlac, il se produira dans le réfectoire des moines, espace de taille assez modeste, et c’est un bonheur pour nous d’accueillir ce grand compositeur qui, à 80 ans passés, manifeste une verdeur créatrice incroyable. Il donnera entre autres L’Art de la Fugue-Odyssée 2011, un ouvrage récent où il rend hommage à Bach. Il se situe là pleinement dans l’esprit de Noirlac où la création d’aujourd’hui se confronte au patrimoine d’hier.
Je me réjouis aussi de la venue de deux ensembles de polyphonies corses. Comme toujours à Noirlac, nous ne les accueillons pas seuls mais avec des artistes qui apportent une couleur différente. Le concert du 22 juillet réunira l’Ensemble Barbara Fortuna et L’Arpeggiata de Christina Pluhar dans un superbe programme « Via Crucis ». Lors du premier samedi des Traversées, le 23 juin, l’Ensemble A Filetta se produira avec Daniele de Bonaventura (bandonéon).
J’attends beaucoup aussi de l’ « Eloge de la folie » proposé par Jean-Christophe Frisch et son Ensemble XVII-21, un concert qui fera écho au « duo singulier » qui le précède, où Guillaumme de Chassy sera en compagnie de Philippe Lebas qui lira des extraits du Journal de Nijinski.
Qu’en est-il des concerti grossi de C.M. Sinnhuber et J. Masanetz que l’on entendra en création française, le 30 juin, lors du concert de l’Orchestre symphonique de la région Centre –Tours et de l’Ensemble Cairn ?
P. F. : C’est le résultat d’une collaboration avec le Festival Haendel de Halle, qui a été développée en lien avec la région Centre. Nous souhaitions rendre hommage à Haendel en passant commande à un compositeur français et à un compositeur allemand. Un concours a été organisé (un nombre impressionnant de candidats ont répondu) et un jury franco-allemand à désigné Claire-Mélanie Sinnhuber pour la France et Jan Masanetz pour l’Allemagne. J’ai assisté il y peu à la création de ces deux œuvres à Halle ; il est passionnant de comparer l’esthétique de chacun de ces deux jeunes artistes d’une trentaine d’années. L’école française et l’école allemande sont toujours bien là.
A propos de création, le 30 juin, on assistera également à la rencontre entre un ensemble de jazz, le David Chevallier Quartet, et les violes de l’Ensemble Sit Fast. Pour avoir entendu une répétition, je puis vous assurer que le son qui émerge ça est quelque chose d’absolument inconnu, inouï. A Noirlac nous sommes curieux d’aventures de ce genre ; c’est notre marque de fabrique.
Propos recueillis par Alain Cochard, le 15 juin 2012
«Les Traversées » de l’Abbaye de Noirlac
23 juin au 21 juillet 2012
Abbaye de Noirlac/ Centre culturel de rencontre
18200 – Bruère-Allichant
Programmation détaillée sur www.abbayedenoirlac.com
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Photo : DR
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