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Stradella à l’Opéra Royal de Wallonie - Un autre Franck - Compte-rendu
Pari gagné ! Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur de l’Opéra Royal de Wallonie, a le sourire, il peut : les travaux de rénovation du Théâtre de Liège ont été menés à leur terme en l’espace de trois ans et ce lieu riche d’histoire (1) a rouvert ses portes pile poil pour le commencement de la saison 2012-2013. D’un montant de 31 millions d’euros ce « lifting » réussi, caractérisé en particulier par une rehausse conséquente de la cage de scène et par un agrandissement de la fosse d’orchestre offre à l’institution wallone un outil adapté aux besoins d’un maison d’opéra moderne.
Pour sa réouverture, l’Opéra Royal de Wallonie fait honneur à l’un des enfants du pays avec César Franck et son Stradella. Car si la France a totalement « annexé » celui qui fut, il est vrai, l’une des figures centrales de la renaissance musicale – instrumentale au premier chef - qui suivit la création de la Société Nationale de Musique en 1871, il n’en demeure pas moins que César Auguste Jean Guillaume Hubert Franck est né à Liège en 1822.
Singulier parcours que le sien, et saisissant le contraste qui s’établit entre ses compositions de jeunesse et des réalisations tardives telles que Les Béatitudes, la Symphonie en ré ou le Prélude, Aria et Final. Avec Stradella, le visage d’un autre Franck se dévoile ; l’ouvrage naquit en 1841-42 de la plume d’un artiste alors élève au Conservatoire de Paris. On ne conserve de Stradella qu’un manuscrit chant et piano et c’est grâce à l’intelligent travail d’orchestration de Luc Van Hove qu’il a pu être présenté en création mondiale à Liège.
Franck a tout juste vingt ans lorsqu’il termine cet opéra en trois actes ; bien des influences (Auber, Donizetti, Meyerbeer) se font sentir… - quoi de plus naturel ? Inégale, l’œuvre mêle des moments convenus à d’autres qui témoignent d’une invention mélodique et d’un sens théâtral affirmés. Au bout compte, malgré les maladresses, le charme de la jeunesse l’emporte amplement et l’on quitte la salle heureux d’une découverte aussi inattendue que celle que connaissent les amoureux de piano lorsqu’ils goûtent pour la première fois au Concerto en si mineur op 11 (1835) du futur auteur de Prélude, Choral et Fugue.
Pour cette résurrection réussie, l’Opéra Royal a fait appel à un homme de cinéma : Jaco Van Dormael. Le réalisateur du Huitième jour opte pour une mise en scène assez spectaculaire par son caractère aquatique prononcé. Premier acte dans un canal de Venise (avec pluie battante tombant des cintres en option !), deuxième dans un palais vénitien inondé, troisième à Rome, mais dans l’eau également.
Il n’a pas dû être commode pour les protagonistes de s’intégrer à une mise en scène peu propice au mouvement (celui de la robe de Léonore en particulier !) mais, à la cinquième représentation, on assiste à un spectacle bien rodé servi par un plateau de qualité.
Marc Laho incarne un Stradella vibrant de vaillance et de jeunesse face à la Léonore sensible et passionnée d’Isabelle Kabatu. Pour contrarier les sentiments des deux amants, le Duc de Philippe Rouillon manifeste toute la perverse noirceur requise par son rôle – et une belle qualité de diction. Excellents comprimari, avec des mentions speciales pour le Beppo de Partrick Mignon, le Spadoni de Werner van Mechelen et le Pietro de Xavier Rouillon. Chœurs bien préparés par Marcel Seminara à l’unisson de l’engagement collectif qui distingue la production.
A la tête de l’Orchestre de l’Opéra Royal, Paolo Arrivabeni – un habitué de la maison d’opéra liégeoise - mène l’affaire avec énergie, prestesse et efficacité, sans chercher ce que Stradella ne saurait offrir.
Et puisque nous sommes au pays de Magritte, Jaco Van Dormael s’offre une petite fantaisie surréaliste à la fin de l’acte III en invitant un poisson-clown géant télécommandé avec venir se balader au-dessus de la tête des spectateurs assis au fond de… de… l’aquarium !
Notez que, le 20 octobre, L’Opéra Royal de Wallonie met à l’affiche pour une unique représentation l’ouvrage d’un autre enfant du pays : L’officier de fortune d’André-Modeste Grétry, sous la baguette de Patrick Davin et dans une mise en scène de Vincent Dujardin.
Alain Cochard
(1) La réouverture du Théâtre de Liège s’accompagne de la publication d’un très bel ouvrage collectif réalisé sous la direction de Fréderic Marchesani : « Le Théâtre de Liège, du Théâtre Royal à l’Opéra Royal de Wallonie » (Editions du Patrimoine Wallon, 301 p., 39 eur. ) / www.institutdupatrimoine.be
Franck (orch. Luc Van Hove) : Stradella – Belgique, Liège, Opéra Royal de Wallonie, 27 septembre 2012
Site de l’Opéra Royal de Wallonie : www.operaliege.be
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Photo : Jacques Croisier
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