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La Walkyrie au Grand Théâtre de Genève - Sans passion - Compte-rendu

Après L’Or du Rhin la saison dernière, le Grand Théâtre de Genève poursuit son exploration du Ring avec une Walkyrie qui s’inscrit dans un registre plutôt classique, sans recherche particulière d’une réinterprétation ou d’une actualisation à la mode. Le sens narratif prévaut dans cette première journée de la Tétralogie où la mise en scène du vétéran Dieter Dorn – un grand homme de théâtre – contribue à la clarté des différents épisodes, soucieuse de respecter les intentions de Wagner. Sa manière de diriger les acteurs, de veiller à leurs déplacements au sein d’un décor très épuré subtilement éclairé par Jürgen Rose, atteint tout à fait sa cible. Depuis la cabane de Hunding jusqu’à l’agencement de plaques terrestres fissurées à l’image de la Mer de glace de Caspar David Friedrich, le décor est réduit au strict minimum. L’utilisation d’une marionnette articulée par des figurants pour représenter Grane le destrier de Brünnhilde, un jeu de miroirs qui enferme Wotan dans son propre reflet pour signifier l’isolement du Dieu pris dans ses contradictions, les guerriers morts conduits au Walhalla tels des pantins en caoutchouc désarticulés, constituent des éléments de diversion dans cette approche qui va à l’essentiel.

La direction de Ingo Metzmacher, d’une fluidité constante, vive, claire, souple, sans pathos (la fameuse Chevauchée apparaît plus dense qu’appuyée), soutient sans cesse les chanteurs, suppléant même leurs carences, le cas échéant. Sa conception ne recherche pas les effets et, proche d’une vision chambriste, met parfois en danger les cuivres de l’Orchestre de la Suisse Romande, contraints de ne jamais forcer le ton.

Le plateau manque le plus souvent d’homogénéité. Les jumeaux Siegmund et Sieglinde, voix légères pour leur rôle, ne pénètrent pas les secrets de la flamme dévastatrice : Will Hartmann, joli timbre bien maîtrisé proche du chanteur de lied, reste en deçà des attentes de ténor héroïque, et Michaela Kaune, timbre clair, belle ligne de chant, sait user des nuances mais manque de puissance. Ce reproche ne peut être imputé à la Brünnhilde de Petra Lang dont l’absence de medium est compensée par son engagement. L’Américain Tom Fox manifeste une forte présence en Wotan, qui ne peut faire oublier une fatigue vocale de plus en plus prégnante au fil de la représentation. La voix profonde de Günther Groissböck (déjà remarqué à l’Opéra Bastille) incarne à la perfection un Hunding brutal et glaçant, tandis que Elena Zhidkova, déterminée et vénéneuse, donne à Fricka toute sa dimension dans ce spectacle bien réalisé, auquel manque la passion wagnérienne des grands soirs.

Michel Le Naour

Wagner : La Walkyrie – Genève, Grand Théâtre, 7 novembre 2013

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Photo : Carole Parodi
 

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