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Werther à l’Opéra Bastille – Nouvelle distribution, autre regard – Compte-rendu
Reprise de la production du Werther de Massenet à l’Opéra Bastille quatre ans après le succès remporté par le duo mythique Jonas Kaufmann-Sophie Koch, sous la baguette de Michel Plasson. Tout a déjà été dit sur la mise en scène de Benoît Jacquot – cf. l’article de Jean-Charles Hoffelé(1) -, imprégnée de l’atmosphère entre chien et loup de la peinture romantique allemande (Friedrich, Carus…) avec des incursions dans le monde du silence et de la solitude du Danois Vilhelm Hammershøi (acte III). Eclairages contrastés, costumes d’époque, contribuent à créer progressivement un climat d’oppression qui culmine à l’acte final au moment du suicide du héros.
Le changement de distribution apporte des différences notables dans l’approche de l’œuvre. Au personnage sombre, à la sensibilité si proche des affres du héros de Goethe incarné par Kaufmann, succède en Roberto Alagna un personnage moins nuancé, tout d’une pièce, au timbre éclatant, incisif et rayonnant. Point d’ombre dans cette incarnation à vif à la force expressive (la mort de Werther), sans doute éloignée de l’esprit germanique, mais quel abattage, quelle assurance, et surtout quelle diction châtiée ! Du soleil dans la voix, une ligne souveraine (air d’Ossian) qui rend justice aux effluves de la musique française. A son côté, la Charlotte de Karine Deshayes tranche avec celle de Sophie Koch, plus éclatante. La rondeur d’une voix souple, bouleversante mais sans pathos dans les célèbres airs des lettres et des larmes, la fusion qu’elle sait entretenir avec Werther dans les duos donnent au personnage ce frémissement qui répond à son évolution psychologique et à son tourment.
Jean-François Lapointe (2) possède l’allure et la classe d’un Albert sûr de son fait, chant parfait et vrai présence théâtrale. Hélène Guilmette campe une Sophie fine, pétillante et toute de fraîcheur. Les autres protagonistes tiennent leur rang, aussi bien le Bailli très humain de Jean-Philippe Lafont que les joyeux larrons Luca Lombardo (Schmidt) et Christian Tréguier (Johann), très en verve dans leur scène d’ébriété.
Merveille d’équilibre que la direction de Michel Plasson : il sait prendre son temps pour mieux saisir la transparence frémissante et les couleurs d’une musique à la poésie délicate, raffinée qui regarde vers la texture wagnérienne. Point d’excès dramatique, de bruit et de fureur dans cette interprétation intériorisée et profondément sentie. La clarté des plans, l’irisation sonore, la justesse stylistique, la maîtrise des émotions, le dosage entre le plateau et la fosse produisent toujours la même sensation de bonheur partagé face à un Orchestre de l’Opéra digne de son renom.
Michel Le Naour
- www.concertclassic.com/article/compte-rendu-carte-du-tendre-werther-lopera-bastille
- Lire l’interview de Jea-François Lapointe par François Lesueur : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-jean-francois-lapointe-je-ne-suis-pas-un-chanteur-normal
Massenet : Werther - Paris, Opéra Bastille, 22 janvier 2014, prochaines représentations les 25 et 29 janvier, 2, 5, 9 et 12 février 2014
Photo : © Opéra national de Paris/ Elisa Haberer
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