“ Concert en un acte ”, ainsi s’intitule le spectacle Les Méfaits du tabac au Théâtre des Bouffes du Nord. De fait, il s’agit de la pièce éponyme de Tchékhov, à un seul personnage, parsemée de pages musicales. Floriane Bonanni, conceptrice du spectacle et par ailleurs violoniste, a pensé à juste raison que ce texte irrésistible appelait la musique. D’où ce “ concert ”, avec la Sonate n°1 pour violon et clavier de Bach, la Romance op. 47 de Tchaïkovski, la Sequenza VIII pour violon de Berio, et un retour à Bach avec sa Partita n°2. Trois quarts d’heure de musique, d’une soirée d’une heure (dont un petit quart d’heure pour le monologue). La représentation prend alors place dans un conservatoire de musique, que signale le tic-tac d’une assemblée de métronomes (dans l’attente du déroulement du spectacle), en lieu de l’école prévue par le texte théâtral. Quand on sait que les “ méfaits ” dont il est question, sont seulement un prétexte, à une conférence qui n’est jamais dite, pour divaguer sur les mésaventures de l’intervenant avec son épouse (directrice de ladite école).
 
Il s’agit donc d’une mise en perspective, le texte parlé répondant à la musique et inversement. On pourrait croire la chose hybride, n’était la justesse de la conception et de sa réalisation. Celle-ci revient à Denis Podalydès, dont le talent n’est plus à clamer. Quelques pages de partitions jetées en désordre sur le sol, un pupitre, une petite estrade, un piano, un rideau rouge de fond de scène de guingois, des lumières parcimonieusement choisies, les beaux costumes signés Christian Lacroix, évocateurs d’un autre monde et d’un autre temps… et le charme opère.
 
Mais il y a surtout le personnage principal, et acteur unique : Michel Robin (“ de la Comédie-Française ”, tout comme Podalydès). Son jeu léger, sa diction pénétrante. Et aussi les trois solistes musicaux qui lui tiennent compagnie : la soprano sensible Muriel Ferraro, la pianiste assurée Emmanuelle Swiercz et la violoniste Floriane Bonanni, susmentionnée, très à son affaire dans Berio (mieux que dans Bach), à travers un brio de dextérité et de musicalité conjuguées. Résultat : un triomphe, avec rappels répétés, pour ce public qui s’écrase dans la proximité chaleureuse des Bouffes du Nord. Contre toute attente pour un spectacle hors normes. Et c’est heureux !
 
Pierre-René Serna
 
Tchékhov/Bach/ Tchaïkovski/ Berio : Les Méfaits du Tabac, Théâtre des Bouffes du Nord, 18 mars 2014, Paris ; jusqu’au 22 mars, et du 1^er au 18 avril, du mardi au samedi ; prochaines représentations prévues de la tournée : du 25 au 29 mars au Théâtre royal de Namur, Belgique ; les 17 et 18 avril au Théâtre d’Arras ; du 9 au 19 septembre au Théâtre de l’Orangerie de Genève, Suisse.
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Photo © Pascal Victor