Journal
Macbeth de Verdi à l'Opéra de Toulon - La nuit du gore – Compte-rendu
On souscrit tout à fait à l'opinion de Jean-Louis Martinoty selon laquelle la dimension surnaturelle de Macbeth ne peut être évacuée, sauf à affadir le propos shakespearien (comme a choisi de le faire Tcherniakov à Paris en 2009). Reste qu'illustrer cet aspect sans tomber dans le Grand Guignol n'est pas chose aisée...
Comme souvent, Martinoty hésite ici entre littéralité et distance, second degré et fidélité au texte. Evitant son péché mignon - l'accumulation de citations -, il cède cependant à son goût habituel pour les surfaces réfléchissantes, enfermant l'œuvre dans une boîte noire couverte de miroirs qui, paradoxalement (le but étant de donner l'impression que le couple Macbeth reste replié sur lui-même), fait respirer une scène toulonnaise relativement étroite. Le procédé fonctionne parfois assez bien, surtout quand la mandragore qui pend des cintres se reflète dans les glaces, créant une sorte de forêt fantasmatique, et lors des finales, dirigés avec professionnalisme.
Les scènes fantastiques, elles, manquent d'inventivité, ou tombent dans la parodie, comme lors d'un horrifique ballet des sylphes, introduisant de monstrueuses poupées à la Bellmer faites d'embryons et de membres coupés. Si les costumes adoptent un style médiéval assez banal, Martinoty n'hésite pas à pimenter cette sage imagerie de références à la science-fiction - tels ces piliers renfermant des squelettes baignés de formol, dignes d'Alien comme de Damien Hirst -, sans que sa direction d'acteurs se départisse d'une certaine routine.
photo © Frédéric Stephan
Sa meilleure idée : la dégradation physique frappant Lady Macbeth, d'abord rousse flamboyante, puis mégère au cheveux ras, caparaçonnée de cuir, enfin vieille somnambule courbée et grisonnante. Il faut dire que l'interprète du rôle, la soprano suédoise Ingela Brimberg, impose une fort efficace présence scénique. La voix et la projection le sont tout autant, mais cette émission germanique tout en sostenuto, monochrome et raide, ne rend pas justice aux relents belcantiste d'un rôle il est vrai terrifiant - le brindisi et le contre-ré bémol (censé être émis piano) de la scène du somnambulisme en faisant particulièrement les frais.
Le Macbeth de Giovanni Meoni offre une interprétation en total contraste : si l'acteur se montre placide, si l'on pourrait souhaiter parfois une incarnation plus incisive, le chanteur, qui nous avait déjà séduit en Ezio (Attila à Liège, en septembre) nous est apparu comme l'un des plus marquants barytons verdiens de sa génération. Timbre riche et chaud, nuances infinies, diction superlative et, surtout, ligne parfaitement maîtrisée et galbée : un régal !
Les comprimari - Banco opportunément sombre mais à la palette et à la dynamique limitées (Mikhail Kolelishvili), Macduff doté d'un beau métal mais au phrasé frustre (Roman Shulackoff) - s'avèrent moins marquants. A la tête de "son" orchestre (vraiment à la peine, surtout dans la fugue !), Giuliano Carella tente une approche théâtrale, colorée, parfois brutale dans ses contrastes et soudaines accélérations, mais dont l'expressionnisme colle au contexte dramatique. Le Choeur de Toulon n'apparaît pas plus homogène que l'orchestre, mais sa ferveur balaie les réserves dans un "Patria oppressa" très "senti".
Notons que les maîtres d'œuvre ont opté pour une version hybride : l'essentiel de la mouture de 1865 mais entièrement privée de son finale choral, remplacé par l'arioso avec lequel agonisait le protagoniste en 1847. Un choix assez drastique mais défendable, comme la plupart de ceux opérés par cette production ni trop consensuelle, ni bêtement iconoclaste...
Olivier Rouvière
Verdi : Macbeth – Toulon, Opéra, 25 avril, dernière représentation le 29 avril 2014 / www.operadetoulon.fr
Photo © Frédéric Stephan
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