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Andrea Chénier au Festival Castell Peralada 26 juillet 2014 - Un bel hommage à Carlo Bergonzi – Compte-rendu
Seule production scénique de l'été au Festival Castell Peralada, Andrea Chénier, coproduit avec l'Opéra de Bilbao, a remporté tous les suffrages. La soirée dédiée au grand ténor parmesan Carlo Bergonzi, disparu le jour même, était résolument placée sous le signe des voix. Si la présence de Marcelo et de Carlos Álvarez constituait déjà un gage de qualité, la découverte de Csilla Borros qui remplaçait Ewa-Maria Westbroek, a fini d’illuminer la représentation. A la tête d'un Orchestre symphonique du Liceu préparé avec le plus grand soin, Marco Armiliato a su redonner à cet ouvrage si souvent galvaudé son brillant et sa cohérence, grâce à une direction puissante et équilibrée, au style impeccablement dompté. Plus en voix que pour ses débuts à la Bastille en 2009, Marcelo Álvarez a mûri son interprétation du poète : vrai ténor lyrique avec quelques pointes de spinto, l'Argentin possède une technique splendide qui lui permet d'aborder ce personnage avec toute la densité et la rigueur exigées. Posé, réfléchi dans son approche, son chant est subtilement coloré et ses phrasées nuancés rachètent aisément l'absence de bravoure et d'insolence autrefois dispensées par un Del Monaco ou un Corelli et qui le rapprochent précisément d'un Bergonzi, diseur et styliste admirable.
Au sommet de ses moyens, Carlos Álvarez triomphe du personnage ambigu de Carlo Gérard, grâce à sa voix de baryton bien trempée, longue et souple, du grave plein à l'aigu percutant, sa recherche expressive étant mise au service d'une incarnation fouillée, d'une classe incroyable qui en fait l’un des plus éminents titulaires actuels. Pour ses doubles débuts, sur le sol espagnol et dans le rôle de Maddalena di Coigny, Csilla Borros a fait sensation. Artiste d'une grande sensibilité, musicienne affirmée, la soprano hongroise entendue notamment avec Muti à Rome dans Nabucco, sait modérer les ardeurs de son ample instrument pour sertir son personnage de jeune exaltée. Dans sa bouche aucune pollution vériste, aucune outrance déplacée, mais un chant contrôlé, mesuré, raffiné (élégants piani pendant la « Mamma morta »), l'interprète sachant émouvoir et imposer sa force de caractère dans les situations les plus tendues. Une artiste à suivre de très près. Autour de ce prestigieux trio une foule de comprimari talentueux, dont Alex Sanmarti (Mathieu), Valeriano Lanchas (Roucher) et José Manuel Diaz (Fleville/Fouquier Tinville) donnent le meilleur d'eux-mêmes pour cette unique représentation.
Conçue par Alfonso Romero Mora, la mise en scène, conventionnelle, n'évite pas les clichés de la Révolution Française avec des scènes de foule un peu caricaturales, mais se montre honnête dans la peinture inexorable d'un monde qui vole en éclat, symbolisé dès la première scène par le plafond d'une riche demeure en train de se lézarder ; lieu bientôt occupé par les révolutionnaires, saccagé avant d'être réquisitionné, puis transformé en cellules d'où Chénier et Maddalena s'échapperont pour courir vers la guillotine.
François Lesueur
Giordano : Andrea Chénier - Festival Castell Peralada (Espagne), 26 juillet 2014.
Photo © Miquel González
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