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Le Palais Royal au Conservatoire national d’art dramatique - La Bible en images - Compte-rendu
Prenant pour prétexte la célébration des 250 ans de la mort de Rameau, d’autres astres baroques recommencent à briller dans le ciel des concerts. En septembre dernier, Skip Sempé et son Capriccio Stravagante reconstituaient, à l’Oratoire du Louvre, un « service funèbre » de Rameau, dont le plat de résistance était le fameux Requiem (1705 ?) de Jean Gilles, donné dans sa version révisée de 1764 - qui, pour rendre hommage au Dijonnais, entrelarde la Messe des morts d’étonnants extraits de ses opéras (Castor et Pollux, Dardanus, Zoroastre : savoureux remake enregistré par la même équipe chez Paradizo, sous le titre de « Rameau’s Funeral »).
Dans le cadre tout en bois, non moins historique mais plus flatteur en termes acoustiques, de la Salle l’Ancien Conservatoire (celle qui vit la création de la Symphonie fantastique de Berlioz), c’était le Requiem de Campra qui constituait le cœur du « Rameau et l’esprit français » proposé par Le Palais Royal.
Toujours animé par la fièvre de convaincre, Jean-Philippe Sarcos introduit lui-même son concert, parlant « teinte », « accents », « danse ». L’âme de cette dernière ne déserte guère la « Suite d’Hippolyte et Aricie » donnée en première partie – ou, plutôt, les « Fragments d’Hippolyte et Aricie », puisque si la ritournelle de la version révisée de 1742 et deux chœurs (celui des esprits infernaux et celui des marins) s’invitent de façon théâtrale dans le continuum, nous n’avons droit, faute de cors et de trompettes, sans doute, à aucun extraits des deux derniers actes. L’interprétation a du peps, du jarret mais, à quinze instrumentistes, on peine parfois (les violons et l’unique hautbois, surtout) - non, bizarrement, dans les pages de virtuosité (superbe « Tonnerre ») mais dans le legato et les tenues…
La soirée prend son rythme de croisière avec un saisissant Super Flumina Babilonis de Delalande (1687), dont le flux d’images picturales et la multiplicité de climats apparaissent de mieux en mieux rendus par le chef, fiévreux, engagé, attentif aux contrastes de rythmes (tranchants contretemps) et d’instrumentation. Tous les chanteurs se produisant sans partition (une gageure, qui permet une expression plus spontanée et de souples déplacements sur le plateau), le psaume ne prend jamais la forme d’une mosaïque mais plutôt celle d’un torrent peu à peu emporté par son propre mouvement. Le chœur, certes, du moins depuis notre place, ne sonne pas très équilibré, les sept dames l’emportant parfois sur les… dix-sept messieurs, le pupitre de basses apparaissant assez faible (à ce diapason grave). Il en ira de même pour les solistes : plutôt que les trois probes barytons, l’on remarque la haute-contre incisive, bien placée encore qu’un peu sèche de Philippe Gagné et le soprano fruité d’Hasnaa Bennani, pourtant toujours confronté à quelques problèmes d’assise (qui n’en rendent que plus poignant l’aria désolée « Adhaereat lingua mea »).
En dernière partie, le Requiem de Campra transcende ces ponctuelles faiblesses : cette architecture d’abord plus austère que la partition de Gilles (c’est d’ailleurs le Requiem de Gilles qui fut joué aux obsèques de Campra !), avec ses lents cheminements harmoniques et ses réitérations mélodiques, s’embrase peu à peu, jusqu’à un brûlant Offertoire, dont chef et chanteurs n’hésitent pas à appuyer les diaboliques dissonances (une vraie « scène infernale » !). Les silences désolés de l’Hostias, le glas qui sonne dans la Postcommunion et les effets fugués du finale soulèvent l’enthousiasme du public.
En bis, celui-ci se voit gratifié du redoutable – et ô combien jouissif ! – « Chœur du Jourdain », extrait d’In exitu Israel de Mondonville. Et même si l’on ne peut s’empêcher de pointer, par-ci, par-là, un manque de soutien, un timbre encore vert, une corde pas assez tendue, l’on se prend à espérer que Le Palais Royal nous gratifie bientôt d’autres fresques bibliques !
Olivier Rouvière
Paris, Salle du Conservatoire national d’art dramatique, 5 novembre 2014
Site du Palais Royal : le-palaisroyal.com
Photo © Jean-Baptiste Henriat
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