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Une interview d’Alphonse Cemin, pianiste et directeur artistique des Lundis Musicaux de l’Athénée - Jouer avec les autres

On le qualifiera par commodité de pianiste « accompagnateur », mais tout ceux qui ont déjà pu juger de la formidable complicité qu’il noue avec ses partenaires, de l’intelligence sensible du dialogue qu’il parvient à établir, savent qu’Alphonse Cemin est bien plus que cela. Patron avisé de l’Athénée et homme de théâtre profondément mélomane – la chose est rare – Patrice Martinet a confié à un artiste né en 1986 la direction artistique des nouveaux Lundis musicaux de l’Athénée. Après une ouverture de saison auprès de Lea Trommenschlager et Damien Pass, Alphonse Cemin partage la soirée du 24 novembre avec Julie Fuchs dans un délicieux programme sous le signe de Louise de Vilmorin.
 
Comment vous êtes vous découvert cette passion pour l’accompagnement de la voix ?

Alphonse CEMIN : Mon premier instrument est la flûte traversière et j’ai commencé le piano vers 10-11 ans, d’abord un peu tout seul, en accompagnant mes copains musiciens. C’est ce qui m’a avant tout plu dans le piano ; cette possibilité de jouer avec les autres, et au départ, d’accompagner mes camarades de conservatoire dans les morceaux qu’ils travaillaient. Aujourd’hui j’accompagne beaucoup les chanteurs, mais pas seulement : je joue beaucoup de musique de chambre aussi et je pratique la musique d’ensemble au sein du Balcon. Le goût du travail avec les chanteurs m’est venu vers 18 ans.

Un déclic précis ?

A.C. : … C’est peut-être un stage à Royaumont avec Irène Kudela, grande pianiste chef de chant, sur Ariane à Naxos, bien avant d’aborder cette œuvre avec Le Balcon.

Vous avez également été en activité à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris : qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

A.C. : Le grand intérêt de cette période a été de rencontrer des chanteurs avec lesquels je continue de travailler et avec lesquels, j’espère, je jouerai toute ma vie. A l’Atelier lyrique, le fait de côtoyer régulièrement les chanteurs et de beaucoup jouer des répertoires très variés soude énormément. J'y ai noué des liens amicaux avec Marianne Crebassa ou Cyrille Dubois par exemple.

Comment avez-vous conçu la saison 2014-2015 des Lundi Musicaux de l’Athénée ?

A.C. : Pour le premier concert nous tenions beaucoup, moi et Patrice Martinet, à inviter Lea Trommenschlager, que l’on a applaudie il y a deux ans dans la production d’Ariane à Naxos du Balcon. Je joue souvent avec Lea et tout de suite, nous avons pensé à Damien Pass avec lequel nous avons fait pas mal de concerts en trio. Avec seulement quatre concerts pour cette première saison, je dois pour être honnête reconnaître qu’il n’y a pas de grande stratégie de programmation. J’ai fait appel à des chanteurs avec lesquels je collabore souvent et, pour les programmes, j’ai privilégié le grand répertoire et évité de m’aventurer dans des œuvres excessivement rares. Autour de grands piliers de la littérature du lied et de la mélodie, on trouvera toutefois des partitions moins courues, comme par exemple ces mélodies de Ginastera, López-Buchardo et Guastavino à côté de Fauré et Mahler lors du récital de Manuel Nuñez-Camelino.

Vous entretenez une relation privilégiée avec Julie Fuchs, avec laquelle vous avez enregistré un disque de mélodies de jeunesse de Debussy et Mahler(1). Qu’aimez-vous en particulier dans le travail avec cette artiste ?

A.C. : Je dirais que nous avons le même rythme physique. Ça a été très vite comme ça et ça n’a fait que s’accentuer avec les nombreux concerts que nous avons donnés ensemble. Nous osons nous parler ; elle ose me dire des choses et j’ose lui dire des chose que je ne dirais par forcément à d’autres chanteurs. C’est quelque chose de difficile à expliquer…

Votre programme est constitué de mélodies sur des poèmes de Louise Vilmorin …

A.C. : Oui et d’abord ces Poulenc qui sont parmi les premières choses que j’ai travaillées avec Julie à l’époque du CNSM, dans la classe de Jeff Cohen. Ce sont de pages qui nous ont tout de suite beaucoup amusés. La rencontre entre l’univers de Poulenc et celui de Louise de Vilmorin est une vraie rencontre et ces mélodies (Métamorphoses, Fiançailles pour rire) sont parmi les meilleures de Poulenc à mon goût ; j’aime la sincérité, l’évidence de ces pages. Ces mélodies nous ont conduit à approfondir l’univers de Louise Vilmorin, nous avons rencontré des gens qui l’ont connue et avons été de plus en plus séduits par sa personnalité, son œuvre un peu diffuse, apparemment superficielle.
Nous donnerons aussi des mélodies de Georges Auric et Georges Van Parys. Grâce à la petite-fille de ce dernier, Natalie Parys, une chorégraphe qui travaille beaucoup sur la musique baroque, nous avons eu accès à une partition inédite de son grand-père et à pas mal de lettres de Louise de Vilmorin, qui montrent comment elle osait y aller avec les hommes – dans les lettres en tout cas. Van Parys est vraiment un grand compositeur de chansons, avec un naturel mélodique vraiment irrésistible.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 31 octobre 2014.
 
Julie Fuchs (sop.), Alphonse Cemin (piano)
Œuvres de Poulenc, Auric & Van Parys
Lundi 24 novembre 2014 – 20h
Paris – Athénée Théâtre Louis-Jouvet
www.concertclassic.com/concert/mon-cadavre-est-doux-comme-un-gant

 (1) 1 CD Aparté (enregistré en 2013)

© DR

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