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Soirée Bernard Cavanna à la Cité de la musique – Démesure amplifiée – Compte-rendu
« Bousin pour trois ténors dépareillés et ensemble de foire ! » : tout un programme ! Le sous-titre que Bernard Cavanna donne à A l’agité du bocal, mise en musique du pamphlet éponyme de Louis-Ferdinand Céline(1), souligne le caractère pour le moins atypique d’une partition datée de 2010, créée en 2012 à Poitiers sous la direction de Philippe Nahon et révisée il y a peu.
« Plus que propice a être projeté vers un public, crié, gueulé même », dit le compositeur du bref texte (daté de 1948) où l’auteur de Mort à crédit pris dans la spirale d’un hallucinant délire verbal s’en prend à Jean-Paul Sartre – rebaptisé « Jean-Baptiste Sartre »(1).
Et Cavanna de passer à l’acte en tirant de ces quelques pages un ouvrage d’une bonne quarantaine de minutes. « Amplifier la démesure » : le but est pleinement atteint avec une réalisation (en vingt-neuf brèves sections enchaînées) dont l’effectif instrumental, pour le moins hétéroclite, comprend cornemuses écossaises, cymbalum et orgue de barbarie en compagnie d’instruments plus traditionnels.
Il fallait bien cela pour traduire la violence du propos célinien. Projeté au-dessus de la scène, le texte demeure en permanence accessible à l’auditeur, mais l’important ici n’est plus le mot – qui disparaît souvent dans le cri des chanteurs ou le fracas instrumental – mais l’emballement de la phrase, la démesure du verbe.
Christophe Crapez, Paul-Alexandre Dubois (baryton de plus en plus tenté par le registre ténor) – artistes bien connus des habitués de la Péniche Opéra – et Euken Ostolaza, les traduisent avec un engagement et une précision jamais pris en faute, portés par le geste vigoureux de Philippe Nahon à la tête d’Ars Nova.
A l’agité du bocal sera repris par les mêmes interprètes au Carré Saint-Vincent d’Orléans le 29 janvier prochain(2) et enregistré à cette occasion pour L’empreinte digitale.
On n’avait pas moins goûté en première partie le foisonnement bastringue du Karl Koop Konzert, avec le formidable Pascal Contet à l’accordéon, et l’imagination sonore de l’altiste Hélène Desaint dans les Trois Strophes sur le nom de Patrice Lunumba, composition très ramassée riche de prégnantes oasis poétiques.
Alain Cochard
Paris, Cité de la musique, 13 décembre 2014
- A l’agité du bocal est édité dans les Carnets de L’Herne
- www.arsnova-ensemble.com
Photo © DR
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