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Cinq-Mars de Gounod à l’Opéra Royal de Versailles – Splendide retour – Compte-rendu
Le Palazzetto Bru Zane a eu l’excellente idée de redonner sa chance à Cinq-Mars, avant-dernier opéra de Gounod, qui n’avait pas été joué depuis 1877. Les œuvres oubliées ne méritent pas toujours d’être sauvées de l’oubli, mais ce Cinq-Mars présenté en concert à Versailles est bien plus qu’une heureuse découverte.
On y retrouve un compositeur très inspiré musicalement par une intrigue historico-politique, où s’insère une histoire d’amour contrariée entre un jeune marquis et Marie de Gonzague, promise au Roi de Pologne, sur fond de conjuration destinée à renverser Richelieu. Le plan des conjurés découvert, et malgré l’intervention de Marie, Cinq-Mars et son complice seront conduits au supplice.
A l’exception de la fête donnée par Marion Delorme au second acte et de son interminable divertissement avec ballet imposé, auquel ne pouvait se dérober aucun compositeur de l’époque, l’ouvrage est de belle facture, l’écriture et l’orchestration solides et l’intérêt constant : chœurs et grands ensembles rappellent Meyerbeer, Gounod réservant aux personnages principaux des airs de toute beauté : celui de Marie tout d’abord, au 1er acte (« Nuit resplendissante »), celui de De Thou au 3 (« Henri, Marie, enfants qui souffrez et que j’aime »), sans oublier la magnifique cavatine du rôle-titre « O chère et vivante image » (acte 4, scène 2) qui aurait dû devenir un "tube", au même titre que « Salut ! Demeure chaste et pure » ou « Ah ! Lève-toi, soleil ! » du même auteur.
A la tête de l’Orchestre de la Radio de Munich, Ulf Schirmer (photo) prend un plaisir évident à diriger une œuvre dont il révèle l’élégance, la finesse et la touche propre au style français et à ce courant typique auquel appartenait l’auteur de Faust. Le chef insuffle son enthousiasme aux instrumentistes et aux Chœurs de la Radio Bavaroise, particulièrement réceptifs, qu’il accompagne avec passion en prononçant avec eux chaque parole.
La distribution réunie pour cette résurrection est tout simplement idoine : dans le rôle du sémillant marquis, le ténor Charles Castronovo réalise un sans faute, son éloquence, sa diction soignée, le charme particulier de sa voix, l’expression à la fois suave et virile de son instrument, lui permettant de triompher de ce rôle parfaitement écrit.
Royale, altière de ligne et distinguée malgré les émotions fortement contrastées qui lui sont demandées, la Marie de Véronique Gens tombe sans un pli sur cette ample voix que le temps ne semble pas vouloir altérer et qui se joue des difficultés techniques avec une réelle assurance.
Moins développé que les autres personnages, celui de De Thou permet à Tassis Christoyannis de faire valoir son beau baryton et de culminer dans le grand air du 3 mentionné plus haut.
Marion Delorme est chantée avec toute la fraîcheur et la séduction requises par la jeune soprano Norma Nahoun, tandis que Marie Lenormand campe une solide Ninon de l’Enclos, Andrew Foster Williams (Père Joseph) et André Heyboer (De Fontrailles) apportant toute la noirceur et le machiavélisme attendus.
Donné à Munich puis à Vienne avant Versailles, cet opéra revenu telle Eurydice à la lumière, fera l’objet d’un enregistrement ( dans la collection "Opéra Français" du Palazzetto Bru Zane) sur lequel nous reviendrons en temps et en heure.
François Lesueur
Versailles, Opéra Royal, 29 janvier 2015
Photo © www.ulfschirmer.com
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