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Le Paradis et la Péri de Schumann au Festival de Saint-Denis - Voyage vers l’Orient et la rédemption
1843 : Schumann qui vient d’achever l’année précédente un vaste ensemble de partitions de chambre (les trois quatuors, les quatuor et quintette avec piano) s’exclame: « Savez-vous quelle est ma prière du soir et du matin ? Elle se nomme l’opéra allemand, il me faut réaliser cela ».
Il y pense si fort que le voilà confiant son projet de mettre en musique le poème Lalla Rookh de Thomas Moore à Richard Wagner lui-même. Question, quelle forme donner à la composition ? Wagner répond : « J’avoue que vous m’avez déjà fait plaisir rien qu’en nommant votre composition. Non seulement je connais ce merveilleux poème, mais encore il a occupé mes pensées de musicien ; je n’ai pourtant pas trouvé de forme dans laquelle le poème puisse être rendu, et c’est pourquoi je vous félicite d’avoir trouvé la bonne. »
Trouvé ? Inventé ! Car Le Paradis et la Péri, qui ouvre dans la création schumanienne la voix des grandes partitions vocales, de Genoveva, opéra allemand sans lendemain, au coup de génie des Scènes de Faust (que Schumann n’entendra jamais) en passant par la guirlande de lieder du Rosenpilgefahrt, initie une dimension nouvelle de l’Oratorio. Impossible de nier l’influence du Paulus de Mendelssohn (1826), mais l’aspect onirique doublée d’une parabole sur la rédemption donne à Das Paradis und die Peri un ton absolument neuf dans la musique allemande de son temps.
Schumann fut poursuivi par la critique – en particulier par la plume de Ludwig Rellstab – qui souligna la forme incertaine de l’ouvrage, ne comprenant pas que la poésie la dictait intégralement. Commencée le 20 février 1843, la composition en sera achevée et le 16 juin de la même année, et l’œuvre sera créée par Schumann lui-même, dirigeant à l’occasion pour la première fois en public, au Gewandhaus de Leipzig le 4 décembre 1843.
Maintenant que nous connaissons les Scènes de Faust, nous comprenons mieux le rayonnement intérieur de cette partition somptueuse qui influencera Gustav Mahler pour sa Huitième Symphonie, et le concert l’honore de plus en plus. Après Simon Rattle ou Nikolaus Harnoncourt qui en ont proposé des versions diamétralement opposées, Jérémie Rhorer (photo) relève le défi. Saura-t-il tirer du Chœur et de l’Orchestre National de France la lecture historiquement informée qu’on espère naturellement ? En tous cas l’équipe de chant est glorieuse, de l’Ange de Karine Deshayes à la Péri de Genia Kuhmeier, en passant par le narrateur de Frédéric Antoun, le Jeune Homme de Ben Johnson ou l’Homme d’Edwin Crossley-Mercer, et l’œuvre pourra déployer tous ses sortilèges sous les voûtes de la basilique de Saint-Denis.
Jean-Charles Hoffelé
Schumann – Le Paradis et la Péri
Solistes, Chœur et Orchestre National de France, Jérémie Rhorer
Festival de Saint-Denis
4 juin 2015 - 20h
Saint-Denis - Basilique
www.concertclassic.com/festival/festival-de-saint-denis
Photo © www.cercledelharmonie.fr
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