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Pierrot lunaire au Palais Garnier - Sur les chemins de Schönberg - Compte-rendu
Pour faire écho aux représentations de Moses und Aron à la Bastille, l’Opéra de Paris propose un parcours Schönberg à travers différents concerts. Une judicieuse initiative, qui permet une mise en résonance de l’œuvre d’un compositeur dans ses multiples aspects. Telle est la nouvelle politique artistique inaugurée par Stéphane Lissner, appelée à se poursuivre avec d’autres cycles lyriques et musicaux (un cycle Berlioz notamment, commencé dès cette saison avec La Damnation de Faust). Une invite faite au public à suivre un chemin, à prolonger et creuser davantage la cohérence de la programmation, que l’on ne peut que saluer.
Prennent donc place au Palais Garnier, le temps d’un concert : Pierrot lunaire et le Quatuor pour cordes et voix op. 10, l’un et l’autre d’un Schönberg à la croisée des chemins, dans une période atonale où percent les prémices du prochain dodécaphonisme. Pour l’occasion de ce concert de chambre, les interprètes occupent un plateau d’avant-scène, approprié à une proximité nécessairement intrinsèque (Garnier figurant un salon quelque peu surdimensionné). Et œuvrent les artisans que l’on retrouvent dans la fosse de l’autre scène de l’institution : des instrumentistes puisés à l’orchestre de l’Opéra de Paris et la direction de Philippe Jordan. De fait, désormais des mieux avertis de cet univers musical et de ses incidences. Conséquence induite de cette heureuse politique de mise en miroir.
Ce qui se perçoit d’emblée, dès les premières mesures du Quatuor, d’une voluptueuse sonorité diaphane ou piquée, appelée à se prolonger durant les quatre mouvements sous les archets de Frédéric Laroque, Vanessa Jean (violons), Laurent Verney (alto) et Aurélien Sabouret (violoncelle). Mais ne voilà-t-il pas que les deux derniers mouvements réclament l’intromission d’une voix de soprano ! Caroline Stein, d’une « soprano » possède l’intitulé mais non pas exactement l’agilité ni la voix ; éteinte ou arrachée, jetée tout à trac dans des notes dures ou fausses. On est loin de l’appoint élégiaque voulu par le compositeur en accord avec l’esprit des poèmes de Stefan George. Schönberg disait bien : « Ma musique n’est pas moderne, elle est mal jouée. »
On avait donc quelques craintes pour la seconde partie de concert, avec Pierrot lunaire. Mais le sprechgesang ne réclame d’autre dextérité que celle de l’émission. Ce parlé peu chanté convient alors à notre soprano, qui distille une élocution bienvenue et une bonne déclamation de comédienne. Pierrot parfaitement maîtrisé et lancé – qui donne à croire que l’interprète possède cette œuvre à son répertoire, au contraire du précédent Quatuor où elle semble avoir risqué d’incertains premiers pas.
Les mêmes instrumentistes (sans le second violon) officient, auxquels s’adjoignent Catherine Cantin (flûte et piccolo), Véronique Cottet-Dumoulin (clarinette) et Bruno Martinez (clarinette basses), issus également de la phalange de l’Opéra. Avec d’éminentes vertus, similaires à celles dispensées en première partie de concert. Emportés qu’ils sont par la direction attentive de Philippe Jordan, mais aussi et de surcroît, par le piano délié, acerbe ou vaporeux, de François-Frédéric Guy (photo). Le soliste vainqueur de la soirée.
Pierre-René Serna
Schönberg : Quatuor à cordes n° 2, Pierrot lunaire – Palais Garnier, 25 octobre 2015
Photo François-Frédéric Guy © Caroline Dourtre
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