Journal
La Bayadère à l’Opéra Bastille - La boîte de bonbons des fêtes de fin d’année - Compte-rendu
La Bayadère à l’Opéra Bastille - La boîte de bonbons des fêtes de fin d’année - Compte-rendu
Les habitués la boudent un peu, mais le public, inlassablement, en redemande. On peut parler de superproduction pour ce spectacle chorégraphique somptueux monté pour l’Opéra par un Noureev aux portes de la mort, en 1992, et qui a pour lui bien des atouts : la splendeur orientale, entre Taj Mahal et Régistan, délicieusement recréée par les décors d’Ezio Frigerio et les moirés, les lamés aux couleurs enchanteresses de Franca Squarciapino, qui signèrent là l’un de leurs chefs-d’œuvre, tant la richesse des couleurs y est tempérée par le goût le plus exquis, comme dans les miniatures persanes dont ils s’inspirèrent. Il y a même un éléphant (faux heureusement) dans une des plus grandioses parades de l’histoire du ballet. Autres atouts, des séquences chorégraphiques devenues légendaires, des Variations de l’héroïne Nikiya, à celles de Solor, le guerrier dont elles est amoureuse, et surtout à la fameuse Entrée des ombres, au 3e acte.
Mais manque surtout l’émotion, qui peut à la rigueur saisir au moment de la mort de Nikiya, piquée par un serpent sorti de la corbeille avec laquelle elle danse devant ses cruels souverains, le rajah et sa fille. Manque aussi et plus encore une musique acceptable, pour laquelle on n’a pu compter sur le tâcheron Minkus, lequel, entre quelques coulées assez jolies, notamment pour les ombres, glisse d’aberrantes mazurkas, polkas et autres musiques faites pour les parades des lipizzans de l’Ecole viennoise. Ce qui donne des séquences inénarrables d’almées ondulant sur ces cadences habsbourgeoises !
Fréquemment reprise, cette Bayadère qui remplit Bastille et donc les caisses, demande en fait quelques étoiles capables de jouer le rôle de locomotives, comme le firent jadis les Guérin, Hilaire et Platel choisis par Noureev pour sa création, où il modifiait l’héritage de Petipa, le sien donc au Kirov, l’enrichissant et l’alourdissant à la fois. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas parfois de bonnes surprises, notamment avec les étoiles de demain, ainsi la ravissante et raffinée Hannah O’Neill, sujet, à laquelle Millepied a confié le rôle de Gamzati, la cruelle princesse rivale de la Bayadère. Et il a eu raison, car il est mieux placé que quiconque pour constater que ni le corps de ballet ni les étoiles actuelles ne brillent par l’impact de présences exceptionnelles et d’ensembles sans faille.
Il a donc fallu fréter quelques nobles étrangers pour rehausser l’éclat de la production et notamment avec un couple vedette, la Pétersbourgeoise Kristina Shapran et le Coréen Kimin Kim, tous deux jeunes recrues du théâtre Mariinsky, qui est aujourd’hui capable d’ouvrir une véritable boîte aux trésors. Un couple à vrai dire improbable, car ils ne vont guère ensemble : elle, hauteur et arrogance propres au style local, bras immenses, peu ondulants, beaux dégagés, mais bien peu de sensualité pour ce rôle qui en est pétri. Et surtout, une faiblesse de pieds, exagérément tournés en dehors, qui font de ses pointes un moment d’angoisse, avec d’ailleurs dans le dernier acte, des ratés auxquels l’école russe ne nous a guère habitués. Bref, une déception.
En revanche, son partenaire, Kimin Kim, tient totalement de la bête de concours, sans véritable présence émotionnelle, mais avec une légèreté, une élévation, une virtuosité tranquille à laquelle le public ne s’est pas trompé, car chacune de ses apparitions était saluée d’applaudissements frénétiques et de clameurs. On n’a pas boudé son plaisir devant ce jeune homme, qui tel, Nijinski, semblait s’arrêter dans les airs, et fut véritablement la lumière d’une soirée qui en manquait un peu, malgré l’éclat des gemmes sur les costumes ! Et si Héloïse Bourdeau en Gamzati, elle aussi choisie parmi les sujets, s’est montrée royale, on y a apprécié une nouvelle fois la grâce d’Hannah O’Neill, cette fois dans la première variation du 3e acte. Tandis que le puissant François Alu, imposant en idole dorée, recueillait son habituel tribut de cris de joie. Tout n’est donc pas perdu.
Mais manque surtout l’émotion, qui peut à la rigueur saisir au moment de la mort de Nikiya, piquée par un serpent sorti de la corbeille avec laquelle elle danse devant ses cruels souverains, le rajah et sa fille. Manque aussi et plus encore une musique acceptable, pour laquelle on n’a pu compter sur le tâcheron Minkus, lequel, entre quelques coulées assez jolies, notamment pour les ombres, glisse d’aberrantes mazurkas, polkas et autres musiques faites pour les parades des lipizzans de l’Ecole viennoise. Ce qui donne des séquences inénarrables d’almées ondulant sur ces cadences habsbourgeoises !
Fréquemment reprise, cette Bayadère qui remplit Bastille et donc les caisses, demande en fait quelques étoiles capables de jouer le rôle de locomotives, comme le firent jadis les Guérin, Hilaire et Platel choisis par Noureev pour sa création, où il modifiait l’héritage de Petipa, le sien donc au Kirov, l’enrichissant et l’alourdissant à la fois. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas parfois de bonnes surprises, notamment avec les étoiles de demain, ainsi la ravissante et raffinée Hannah O’Neill, sujet, à laquelle Millepied a confié le rôle de Gamzati, la cruelle princesse rivale de la Bayadère. Et il a eu raison, car il est mieux placé que quiconque pour constater que ni le corps de ballet ni les étoiles actuelles ne brillent par l’impact de présences exceptionnelles et d’ensembles sans faille.
Il a donc fallu fréter quelques nobles étrangers pour rehausser l’éclat de la production et notamment avec un couple vedette, la Pétersbourgeoise Kristina Shapran et le Coréen Kimin Kim, tous deux jeunes recrues du théâtre Mariinsky, qui est aujourd’hui capable d’ouvrir une véritable boîte aux trésors. Un couple à vrai dire improbable, car ils ne vont guère ensemble : elle, hauteur et arrogance propres au style local, bras immenses, peu ondulants, beaux dégagés, mais bien peu de sensualité pour ce rôle qui en est pétri. Et surtout, une faiblesse de pieds, exagérément tournés en dehors, qui font de ses pointes un moment d’angoisse, avec d’ailleurs dans le dernier acte, des ratés auxquels l’école russe ne nous a guère habitués. Bref, une déception.
En revanche, son partenaire, Kimin Kim, tient totalement de la bête de concours, sans véritable présence émotionnelle, mais avec une légèreté, une élévation, une virtuosité tranquille à laquelle le public ne s’est pas trompé, car chacune de ses apparitions était saluée d’applaudissements frénétiques et de clameurs. On n’a pas boudé son plaisir devant ce jeune homme, qui tel, Nijinski, semblait s’arrêter dans les airs, et fut véritablement la lumière d’une soirée qui en manquait un peu, malgré l’éclat des gemmes sur les costumes ! Et si Héloïse Bourdeau en Gamzati, elle aussi choisie parmi les sujets, s’est montrée royale, on y a apprécié une nouvelle fois la grâce d’Hannah O’Neill, cette fois dans la première variation du 3e acte. Tandis que le puissant François Alu, imposant en idole dorée, recueillait son habituel tribut de cris de joie. Tout n’est donc pas perdu.
Jacqueline Thuilleux
La Bayadère (chor.Rudolf Noureev) – Paris, Opéra Bastille, 18 décembre, prochaines représentations les 21, 22, 24, 26, 28, 30 et 31 décembre 2015. www.operadeparis.fr
Photo © Little Shao / Opéra national de Paris
Photo © Little Shao / Opéra national de Paris
Derniers articles
-
16 Novembre 2024Frédéric HUTMAN
-
15 Novembre 2024Michel EGEA
-
15 Novembre 2024Jean-Guillaume LEBRUN